Xavier de Montépin, Le médecin des pauvres
Contenu
001 La
noble race des Champ d'Hivers en l'an 1611
018
Pierre Prost, le médecin des pauvres
031
Champagnole, 1638, dix-huit ans après cette nuit mystérieuse
040 La
petite maison de Longchaumois
069 Raoul
et Églantine dans la maison de Pied-de-Fer
100 Le
village de Saint Laurent
114 Dans
le château de L'Aigle
188 Le
curé Marquis prisonnier au château de Bletterans
200 Les
moines de l'Abbaye de Cuzeau
222 Quand
le château sera-t-il attaqué ?.
238
Antide de Montaigu apparaît à Blanche
250 Sur
le chemin du Champ-Sarrazin
La bande dessinée "Le médecin des pauvres" a été publiée dans le journal néerlandais
"TROUW" d’un auteur inconnu, entre le 9 juillet 1956 et le 30 mai
1957 environ. Corrigée et adaptée en français par Roland Le Corff |
Préface à la
version française par Roland Le Corff La majorité des habitants de Menétrux-en-Joux et un très grand nombre
de Franc-comtois dont les Jurassiens ont dû lire un jour ce roman populaire
écrit par Xavier de Montépin : "Le médecin des pauvres" qui se
déroule justement au cœur de la région des lacs et des cascades du Hérisson,
et met en scène le fameux capitaine Lacuzon et ses frères d'armes: le colonel Varroz, le curé
Marquis, le trompette Garbas, ainsi que d'autres personnages bien
sympathiques, Magui la sorcière, Tristan et Raoul de Champ-d'Hivers ou
d'autres particulièrement ignobles : Lespinassou, Limassou, Brunet, et
évidemment le plus affreux d'entre tous : l'infâme traître qui doit figurer
dans tout bon roman de cape et d'épée : le comte Antide de Montaigu, seigneur
de l'Aigle...et en prime, on a même droit au cardinal de Richelieu en
personne. Ce "livre culte" a enchanté des générations
de jurassiens et moi-même. Je suis franc-comtois de vieille souche par mon
côté maternel et le Jura est très cher à mon coeur. Les jurassiens adorent ce livre car il se déroule dans
leur région, dans leurs paysages de lacs, de cascades, de forêts de sapins et
de montagnes. |
Toute la bande dessinée commence en l'an
1611
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1. Cela se passait en l'an 1611. A la cour du roi d'Espagne, le jeune et
élégant baron Tristan de Champ d'Hivers, originaire de Franche-Comté, âgé
d'environ 26 ans, mène la vie joyeuse
et facile de la plupart des jeunes gens de son âge. La Franche-Comté était déjà territoire
espagnol depuis Charles Quint. Tristan commande déjà un régiment depuis quelques
temps et il est considéré comme l'un des meilleurs cavaliers de son temps. |
Pas vraiment parce qu'il est amoureux mais
parce qu'il veut préserver sa lignée, la noble race des Champ d'Hivers. |
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2. Tristan de Champ
d'Hivers retourne dans son pays. Son fidèle serviteur qui l'avait suivi en Espagne
à l'époque l'accompagne maintenant. |
peur d'avoir de mauvaises nouvelles. Le
château dans lequel vit son père est différent de la plupart des châteaux
français, mais c'est une belle propriété et solidement bâtie. |
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3. Tristan arrive en son
château du Jura où l'état de son père s'améliore. Il va si bien que Tristan
peu de temps après, peut faire de petites promenades avec son père dans les
environs du château. |
Un jour, cependant, alors que Tristan et
ses amis poursuivent un gros cerf, quelque chose se passe. Tristan entend des
cris derrière lui et il est presque certain qu'ils proviennent d'une femme.
Il laisse ses amis chasser l'animal infortuné et tient les rênes. |
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4. Tristan profite maintenant des qualités de son
étalon arabe, un pur-sang ramené d'Espagne. Il met son cheval au grand galop et
se met la poursuite de la jeune fille. La distance entre lui et le cheval
fugueur diminue rapidement. Bientôt le cheval se trouve juste à côté. Il en
saisit la bride et attrape le cheval par l'encolure. Il arrive juste à temps. |
La jeune fille est sur le point de perdre
conscience. Le cheval se cabra mais dut obéir. La jeune fille tombe de la
selle. Tristan la rattrape dans ses bras mais elle s'évanouit. |
Pourquoi partez-vous? |
5. Le jeune baron dépose la
jeune fille dans l'herbe. Maintenant, il peut mieux voir celle qu'il a
sauvée. |
"Comment ne pas vous connaître, M.
le baron ? Mon maître vit à proximité. " "Le comte de Mirebel." fille ?" |
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6. Depuis des siècles, les barons
de Champ d'Hivers et les comtes de Mirebel ont été voisins. Pendant des
années, il y a eu entre eux, une bataille ininterrompue pour le pouvoir. C'est pour cela que la première réaction de
Tristan fut de sauter sur son cheval et de repartir. |
Elle lui tend la main et Tristan
l'accepte après un moment d'hésitation. "Monsieur," balbutia-t-elle.
– Que désirez-vous de moi, mademoiselle ? Demande Tristan. Il essaie de
parler d'une voix calme mais son cœur bat impétueusement. - Monsieur, dit une
fois de plus Blanche, et d'un geste simple et gracieux, elle tend sa main à Tristan. Vous m'avez sauvé la vie.
Tristan prend sa main et la porte à ses lèvres. Cependant, il le fait si
vivement que la jeune fille la retire immédiatement et pousse un petit cri.
Après quelques instants, elle dit: "Dites-moi votre nom pour que je
puisse le dire à mon père. Nous n'oublierons jamais ce qui s'est passé
". |
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7. Jamais personne n'avait
fait une si profonde impression sur Tristan que cette Blanche de Mirebel. La
nuit, il pense constamment à elle. Il ressent que c'est la jeune fille qu'il
aime et qu'il recherche. Mais encore une fois, il pense à la rivalité qui a
fait rage entre sa famille et la sienne depuis des années. Parfois il pense:
je vais la revoir. Mais il lui semble encore plus sage de quitter la
Franche-Comté le plus tôt possible et de fuir pour toujours. |
Un jour, cependant, alors que Blanche
cueille des fleurs et que le vieux laquais s'était éloigné un peu plus loin
que d'habitude, Tristan décide d'aller chez la jeune fille. Il veut lui
parler. |
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8. Le
lendemain matin, Tristan se rend chez son père. Il a revêtu son uniforme de
colonel espagnol. Le vieil homme est assis dans un large fauteuil. Sur l'un
des murs de la salle se trouve un arbre généalogique de la famille Champ
d'Hivers. De grands portraits de famille sont accrochés sur l'autre mur. "Je suis content de vous
voir, mon fils, mais pourquoi cet uniforme?" "Je suis venu vous
dire quelque chose d'important, Père." "Le mariage
avec Mlle de Mirebel" |
"Quoi ? Vous voulez donner votre nom
à la petite-fille du Sanglier noir? |
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9. Tristan dut écouter
toute l'histoire de la querelle qui exista entre les deux clans depuis de
nombreuses années. En vain il essaie de défendre Blanche. |
"Je vous ordonne en tant que père de
quitter le château aujourd'hui et de retourner à votre régiment. Je vous
ordonne de mettre fin à ces rêves stupides qui ne peuvent surgir que dans un
esprit malade. Si vous désobéissez, je
ne vous considérerais plus comme mon fils." |
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10. Une année s'était
écoulée. Le vieux baron de Champ d'Hivers est mort laissant son titre à son
fils, une fortune énorme et plus important encore, une liberté absolue de ses
actions. Tristan, dont l'amour pour Blanche est plus grand que jamais,
revient directement en Franche-Comté. |
raconte comment un seigneur de Champ
d'Hivers avait tué un baron de Vaudrey dans la grande salle du château de
L'Aigle. Quoi qu'il en soit, Tristan, certain que Blanche l'aime encore,
demande au comte de Mirebel la main de sa fille. Le comte refuse cependant. |
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11. Le comte de Mirebel a
résisté le plus longtemps possible. Mais à cause de l'amour sincère qu'il
porte à sa fille, cette résistance est maintenant brisée. Une lettre est
écrite au sire Antide de Montaigu,
dans laquelle le père de Blanche reprend la parole qu'il lui avait donnée. Le
seigneur du château de l'Aigle devient mortellement pâle quand il lit cette
insulte. Puis un sourire cruel apparaît sur son visage. Sa revanche sera
terrible ! |
La date du mariage a déjà été fixée et
les jeunes ont mille et une choses à régler. Il reste encore du temps pour
faire de longues promenades dans la forêt et dans les environs du château.
Blanche de Mirebel a bien sûr recouvré sa bonne santé. |
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12. Pendant que Tristan est
à Besançon, Blanche et son père s'occupent des préparatifs du mariage. Quand
il fait nuit, ils se promènent tous les jours ou font un tour à cheval à
travers la forêt. La fille est gaie comme avant et le comte est heureux qu'il
ait eu le courage de reprendre la promesse qu'il avait faite au sire Antide.
Un jour, cependant, au moment où ils font une de leurs promenades, un groupe
d'hommes vient à eux et les entoure.
Ils portent des capes de velours et de grandes capuches masquent leurs visages.
Un homme de grande taille semble commander les autres. |
Il est habillé comme les autres mais au
lieu d'une capuche il porte un masque noir. Le comte de Mirebel tire son épée
du fourreau pour se défendre jusqu'au bout. Mais un coup de pistolet retentit
et le comte laisse tomber son épée. Il a été mortellement blessé. |
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13. Quand Tristan entend ce
qui s'est passé, il se rend directement au Parlement parce qu'il pressent
instinctivement qui peut avoir commis ce double crime, il accuse le sire de
Montaigu. Celui-ci n'ose pas résister au Parlement mais il ne peut cacher sa
colère et il lance à Tristan les insultes les plus grossières. Le tribunal
ordonne une perquisition à son domicile au château de l'Aigle. La
perquisition est dirigée par le colonel Varroz (*), l'un des meilleurs amis
de Tristan. Cependant, tout cela reste vain. Blanche reste introuvable et le
meurtre n'est pas éclairci. |
Le Sire de Montaigu peut retourner sur
ses terres faute de preuves. Pendant
quelques mois il mène une vie quasi monastique dans l'espoir que l'incident
qui a jeté une nouvelle tache sur sa réputation déjà guère bonne, sera oublié
dès que possible. |
(*) Varroz doit se prononcer Varro. En Franche-Comté (le
z reste muet)
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14. Tristan a oublié son chagrin avec le temps. Son
désespoir après l'enlèvement de Blanche a laissé la place à une douce
mélancolie. Trois ans après la disparition de Blanche, Tristan épousa une
bonne et douce jeune fille : Odette de Vaubécourt. |
Marcel Clément, l'intendant de son père. Il voue un
amour chaleureux et sincère au fils de son maître. |
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15. Quand l'étranger est
parti, Marcel Clément va vers le domestique et lui demande ce que voulait
l'étranger et ce qu'il a dit au domestique. Le serviteur, cependant, ne veut
pas répondre et il reste debout, indifférent. Marcel ne reçoit aucune
réponse de l'homme et il est de plus
en plus mal à l'aise. Est-ce que son maître est menacé ? Et peut-être aussi
son fils ? |
Mais le serviteur reste indifférent et il
dit: Il y a bien d'autres châteaux
dans la région. Un maître de perdu, dix de retrouvés ! "Malheureusement,
Marcel ne prête aucune attention à ces mots qui constituent une menace
majeure ... |
Le château des
Champ d'Hivers en feu |
16. Marcel Clément a été
réveillé par le bruit. Il regarde par la fenêtre et voit soudain une lueur
rouge. |
Marcel sait maintenant que son maître et
son fils sont en grand danger et il n'a qu'un seul but : les sauver. Grâce à
un escalier secret, il parvient à atteindre la chambre de Tristan. Un
terrible spectacle se déroule devant ses yeux. |
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17 Avec son couteau de chasse, Marcel
force la serrure d'un meuble. Il y a un petit coffret dedans. Tristan lui a
dit dans le passé que ses biens les plus précieux sont cachés dedans. Marcel
emporte les trésors avec lui et se précipite ensuite dans la chambre où dort
le petit Raoul. Les meurtriers n'ont toujours pas remarqué que le fidèle
serviteur est dans la chambre de son maître. |
Puis il entend des pas rapides se rapprocher. |
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18. Nous sommes en l'an
1618, plusieurs mois après les terribles événements du château des Champs
d'Hivers. Au cœur des montagnes du Jura, une
modeste chaumière dans le hameau de Longchaumois. Pierre Prost (*), un homme
très estimé à Longchaumois, y demeure. Pierre a étudié la médecine pendant
quatre ans. |
Pendant un an, dans leur maison, Pierre
et Tiennette connurent le bonheur. Ce bonheur fut presque parfait lorsque
Tiennette annonça à son mari qu'elle attendait un enfant. |
(*) En Franche-Comté, Prost se prononce Pro.
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19. Pour Pierre, seul le berceau demeure dans la maison où il était si heureux il y a quelques
jours. Et qui sait, le berceau sera peut-être bientôt vide lui aussi ! Parce
que la petite fille est chétive et délicate. Nuit et jour, Pierre veille sur
son enfant pour préserver ce dernier souvenir de sa bien-aimée Tiennette. |
Après que Pierre eût embrassé les petites
lèvres pour la dernière fois, il tombe à genoux et prie pour demander l'aide
de Dieu afin qu'il puisse rejoindre à son tour, Tiennette dans l'éternité. |
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20. "Nous
cherchons Pierre Prost", dit l'un des étrangers. Nous
avons besoin de vous ! Je vous demande de me suivre immédiatement ! " |
L'homme ne répond pas. Pierre est plongé
à nouveau dans sa tristesse et semble oublier qu'il n'est pas seul. |
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21. Quand le travail est terminé, les
hommes rentrent dans la maison. Le Masque noir s'impatiente. Il se tourne
vers le berceau et dit à Pierre: "Voulez-vous ensevelir vous-même votre
enfant ou l'un de mes hommes devra-t-il s'en charger ?" "Ensevelir
mon enfant ?" Le médecin s'exclame: "Je ne veux pas me séparer si
vite de son corps !" |
usage. Pierre Prost a pris le petit
corps dans ses bras. |
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22. Les quatre hommes retournent dans la
maison et l'homme au masque noir leur donne à nouveau ses instructions. |
"Est-ce tout ce dont vous avez
besoin?" Demande le Masque noir. |
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23. Près de la maison de Pierre, sur la
route de Longchaumois, une étrange voiture attend les quatre hommes. Deux
beaux chevaux noirs sont attelés pour tirer une sorte de chariot de ferme
dont les roues ont été remplacées par des patins de traîneau. Un homme non
masqué essaie de maintenir les chevaux qui sont devenus nerveux à cause de la
tempête. Les quatre hommes ont pris place dans la voiture. |
Cette course fantastique dura environ
deux heures. Puis le traîneau ralentit. Les sabots des chevaux glissent sur
la neige. Les coups de fouet se succèdent sans relâche puis faiblissent.
Enfin le traîneau s'est arrêté devant une grande demeure qui est située sur
le plateau d'une montagne. Mais de quelle demeure s'agit-il ? |
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24. Le traîneau glisse sur le pont-levis
et et passe sous la porte. Pierre pense que ce château doit être une vraie
forteresse. Le traîneau s'est arrêté. |
"Baissez-vous !" |
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25. Une porte s'ouvre. Pierre Post peut
voir à nouveau, car un serviteur a retiré le masque de son visage. Ils sont
dans une petite pièce où l'unique meuble est un lit de chêne noir tout
simple. Toutes les mesures de précaution ont également été prises ici et
Pierre peut commencer son travail immédiatement. Mais d'abord le Masque noir s'adresse à la femme qui
souffre beaucoup. "Madame, dit-il doucement, voici un médecin qui va
vous aider." |
Malgré cela, Pierre devine qu'il devait
avoir affaire à une très jeune femme. Une heure plus tard, les hurlements
d'un nouveau-né résonnent dans la pièce." Est-ce un garçon ou une fille
?" Demande le Masque noir. 'Jamais
!' |
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26. Le Masque noir persiste dans son
refus: Pierre Prost n'a pas le droit de voir le visage de la femme, il ne
peut donc pas vérifier si le sang reflue au cerveau pendant la saignée. Il
veut tenter quand même. Il perce la veine et le sang commence à couler dans
le bassin de cuivre. Le sang s'écoula d'abord lentement, goutte à goutte puis
enfin il jaillit en un long filet. |
"Permettez-moi au moins de
l'embrasser une seule fois. Je sais que vous êtes sans pitié, messire, mais
ne refusez pas de donner au moins un baiser à ma petite fille." |
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27. La lampe
s'éteint soudainement, plongeant la pièce dans l'obscurité. Pendant une
seconde, le Masque noir oublie ses préoccupations Il s'élance pour écraser du
pied les charbons enflammés disséminés çà et là. Pierre saisit cette
opportunité. Il se penche sur le lit et murmure à l'oreille de la jeune
femme: "Ne vous inquiétez pas, madame. Je veillerai sur vous et prendrai
soin de votre enfant. " La femme qui ne pouvait même pas voir celui qui
lui parle, ne répondit pas. Cependant, elle sait maintenant que cet étrange
médecin est digne de sa confiance. |
Elle saisit la main de Pierre Prost et y
glisse un petit objet. Immédiatement, il le dissimule sur lui. Personne n'a
remarqué quoi que ce soit lors de cette conversation. |
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28. "Venez !" dit le Masque
noir à Pierre en le prenant par la main gauche. Pierre a soudain une idée. Il
sait que le bassin rempli de sang est par terre à ses pieds. Pierre se baisse rapidement comme s'il
faisait un faux pas et trempe sa main dans le sang jusqu'au poignet. Le Masque noir croit qu'il avait trébuché
et le fait sortir de la chambre. |
L'homme avec l'enfant dans les bras les
attend en bas. Le médecin compte, comme lors de la montée, les 22 marches de
l'escalier dans l'espoir que ce petit détail pourra contribuer à la solution
de ce sombre mystère. |
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29. Pierre Prost et le Masque noir sont
maintenant arrivés dans la cour extérieure. Le serviteur avec le nouveau-né
dans ses bras court devant eux. L'orage ne s'est toujours pas apaisé et il
neige encore plus que pendant le trajet aller. |
Comprenez-vous ce que je veux dire ? |
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30. Quand le traîneau arriva à
Longchaumois, il commençait à faire jour. L'orage s'était un peu calmé mais
la neige tombait encore. Pierre Prost, trompé par la fabuleuse vitesse de la
course, suppose que le traîneau est maintenant arrivé à mi-chemin. |
Contre sa poitrine, il sent battre le
cœur de l'enfant. Quand Pierre ôte son masque, il constate qu'il est dans sa
propre maison. Il place la petite fille dans le berceau vide. Puis, une fois
assis à côté du berceau, il regarde le petit objet que la pauvre femme lui a
donné. C'est un magnifique médaillon en or pur sur lequel est représentée une
petite rose sauvage, une "églantine", sertie de diamants. Quant à
la bourse de toile donnée par le , Pierre découvre qu'elle contient 10.000
livres en pièces d'or ! |
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31. Nous sommes en l'an 1638, dix-huit ans après la
mystérieuse nuit du 17 janvier 1620, la nuit où Pierre Prost rentra chez lui
avec un enfant qui n'était pas le sien. Le lecteur sera étonné de ce grand saut dans le temps,
mais il doit se rappeler que ce qui a été dit auparavant n'était qu'une
introduction à l'histoire tragique qui suit. Champagnole est un village comme il y en a tant en
Franche-Comté. En ce jour froid et sombre de décembre, la rue principale est
vide et abandonnée. Seuls quelques paysans se précipitent chez eux où le
poêle répand sa chaleur. Le silence est brusquement rompu par l'arrivée d'un
cavalier vêtu d'un manteau brun qui entre dans la rue principale. Son cheval
est fourbu. A cette époque, la Franche-Comté appartient à
l'Espagne. Il y a trois ans, le Franche-Comté était une province prospère
mais maintenant elle doit se défendre avec héroïsme contre les envahisseurs. |
Les Français sont dirigés par Condé, Villeroy et le duc
de Longueville. En outre, les habitants de Franche-Comté doivent se battre
contre une armée suédoise dirigée par Bernard de Saxe-Weimar qui va dévaster
toute la partie nord du pays. Néanmoins, en Franche-Comté, certains groupes sont
dirigés par de vrais héros et défendent leur pays jusqu'à la mort. Ces
groupes sont soutenus par les gens les plus fortunés de la province. D'un autre côté, cependant, les Français comptaient
dans leurs rangs des bandes de féroces fantassins originaires de la Bresse et
du Bugey que les habitants de Franche-Comté appelaient "les Gris".
Ces gris sont menés par deux personnages notoirement connus, les capitaines
Lespinassou et Brunet. Voilà dans quel triste état se trouvait la pauvre
province au moment où nous reprenons notre récit. Le cavalier et sa monture arrivent devant une bâtisse
qui semble légèrement plus grande et mieux entretenue que les maisons qui
l'environnent. Sur le mur blanc, il y a des mots dessinés en grosses
lettres noires qui attirent l'attention du cavalier. |
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32. Le cavalier descend lestement de son cheval. C'est
un beau jeune homme d'environ 24 ans. Son visage a des traits réguliers et
ses yeux ont un regard résolu. Tout dans ce
jeune homme dénote qu'il est de noble origine. Lorsqu'il frappe à la
porte, un homme au visage jovial
d'environ 55-60 ans sort de l'auberge. "Faut-il mettre votre cheval à
l'écurie, messire ?" "Oui, et je veux qu'il soit encore mieux traité
que moi-même !" "Et vous avez bien raison, messire, de prendre ainsi soin de votre cheval.
C'est un animal de haute valeur et de grande race. " "Vous vous y connaissez bien en chevaux, il me
semble ?" Tout en parlant, les deux hommes amènent le cheval à
l'écurie. "Parbleu, si je m'y connais !", dit
l'aubergiste. "J'ai servi quinze ans dans la cavalerie. Demandez plutôt
au colonel Varroz (*) des nouvelles de Jacques Vernier. |
Et qui sait si un jour, malgré mes 58 ans bien sonnés,
je ne remettrai pas le pied à l'étrier ? Et vive le Capitaine Lacuzon ! C'est
un homme juste lui aussi! Il sera peut-être un jour, un martyr de la liberté
! En parlant, les hommes continuent. L'aubergiste emmène
le jeune homme à la cuisine. Il s'assied à une table et n'a pas à attendre
longtemps son repas. Une jeune fille le sert et l'aubergiste est heureux de
parler à quelqu'un qui lui tient compagnie. - Qui est ce colonel Varroz dont vous m'avez parlé ? L'aubergiste à cette question, regarde le jeune homme
avec étonnement. "Je pense que vous devez être étranger ici ou
venir de bien loin, messire ...." "En effet, je suis étranger ici et je viens de
loin ..." répond le voyageur. |
Varroz (*) En Franche-Comté, se prononce Varro ( le z
reste muet)
|
33. "Vous n'êtes pas Français, j'espère ?"
Demande l'aubergiste à son jeune invité. "Non." "Ni Suédois ?" "Suédois non plus." "A la bonne heure !
Eh bien, le colonel Varroz est l'un des membres de notre grande trinité.
" "De quelle trinité parlez-vous ?" – "Par
là, je parle de Varroz, de Jean-Claude Prost et du curé Marquis, nos trois
grands héros !" "Et ce capitaine Lacuzon, dont vous venez de
parler ?" "Lacuzon et Jean-Claude Prost ne sont qu'un seul et même
homme. Lacuzon est son surnom. Mais vous n'êtes pas au fait de la situation ici, messire ? " "Oui, je sais que la Franche-Comté combat
courageusement pour son indépendance et que les habitants se battent contre
les Français depuis trois ans ...» "Et aussi contre les Suédois, messire !" "Et les trois hommes dont vous parliez : que
font-ils ?" "Eh bien, quand les Suédois ont traversé les
montagnes et pillé notre terre, |
ont tué des enfants et des personnes âgées, incendié
les maisons, nos montagnards et nos paysans se sont levés. Ils ont formé une
armée, et bien qu'aucun soldat n'ait reçu de solde, ils se sont battus
jusqu'au bout pour la sauvegarde de leur terre, et cette armée se bat
toujours! " "Et sans doute interrompit le voyageur, bien sûr
Varroz, Lacuzon et Marquis sont les chefs de cette armée !" "En effet messire, cette trinité mène notre
armée!" "Jean-Claude Prost était au début le bras droit de
Varroz, mais maintenant il est son égal. Il a à peine 22 ans, mais quel
homme! Tout le monde l'adore et tous les partisans sont prêts à mourir pour lui. " "Pourquoi ce surnom de Lacuzon ?" Eh bien, La Cuzon signifie dans notre patois : le
souci. Comprenez-vous, messire ? "Je comprends. Et le troisième homme, le curé
Marquis ? "C'est le prêtre du petit village de
Saint-Lupicin. Un grand prêcheur et un grand soldat ! Il se bat avec la
prière et l'épée. Quand il se bat, il porte un manteau rouge. Il n'a pas d'autre cuirasse." |
|
34. "A la santé du capitaine Lacuzon !",
s'exclame Jacques Vernier tout à son admiration et avec son verre de vin, il
trinque avec celui du voyageur. "Où est né le capitaine Lacuzon ?"
Demande-t-il. "Il vient de Longchaumois. C'est à quelques lieues
d'ici. " "Est-ce qu'il a une nombreuse famille ?" "Non, pour le moment il est presque seul au
monde." "Quoi ? Pas de frère ou de sœur ?" Demande le
jeune homme et sa voix tremble légèrement. "Non, son seul parent est le frère de son père,
son oncle Pierre Prost, qu'on appelait dans le pays : le médecin des pauvres. Oui, c'est une triste histoire
que celle de ce pauvre Pierre, un savant et un homme très bon! " "Une triste histoire ?" "Que lui est-il donc arrivé ?", Demande le
jeune homme en pâlissant visiblement. "Sa femme est morte à la naissance
de sa fille et Pierre est devenu presque fou de chagrin. Il a appelé sa fille
Églantine au lieu de Jeanne-Claude, ou Jeanne-Marie, comme tous les gens
d'ici. |
Pierre a disparu avec sa fille deux ou trois ans plus
tard. Même son propre frère ne sait pas où il est parti. " "Et ensuite?" "Quinze ou seize ans se sont écoulés sans que
personne n'entende plus parler de lui. "Et après ça ?" Demande le
jeune homme. "L'année dernière, Pierre Prost est revenu au pays". "Avec sa fille ?" "Non, messire. Il est revenu seul. Il semble que
sa fille soit morte. " "Morte", murmure le jeune homme d'une voix
sourde et avec une expression infiniment triste dans ses yeux. "Mais comment est-ce possible ?" "Personne ne le sait et peut-être que ce n'est pas
la vérité. Les gens parlent beaucoup et ils
peuvent se tromper ... " L'aubergiste voit bien que son histoire a troublé le
jeune homme et bien qu'il ne comprenne pas pourquoi, il sort tranquillement
de la pièce, laissant le jeune homme seul ... |
|
35. Un quart d'heure plus tard, quand le jeune homme a
retrouvé son calme et sa sérénité, il va retrouver l'aubergiste. "Je
voudrais vous régler mon dû et ensuite
je repartirai", dit-il simplement. L'aubergiste ne peut cacher sa surprise. "Quoi?
N'êtes vous pas satisfait de mon auberge? "Oh non, non. Mais je dois partir maintenant. Je
voudrais vous demander un service de plus : pourriez-vous me procurer un
guide ? "Où voulez-vous aller, messire ?" "A Saint-Claude!" "Miséricorde ! À Saint-Claude ? "Oui, qu'y a-t-il de si étonnant à cela ?" "Mais vous n'y arriverez jamais vivant ! Vous
serez assassiné par les Gris ou par les Suédois." "Vous signerez
votre arrêt de mort en y allant." "Qu'importe dit le jeune homme, je partirai
seul." L'aubergiste tente sans succès de dissuader le jeune
homme de suivre son plan mais quand il se rend compte que rien ne peut
l'arrêter, il dit : "Vous avez besoin d'un guide !" |
" Vous oubliez que je ne connais pas du tout le
pays !" "Cela n'a pas d'importance. Suivez toujours tout
droit la route qui passe devant mon auberge. C'est encore un long chemin et
vous devrez grimper et descendre. Mais c'est comme ça que vous arriverez à
Saint-Claude." "Et n'y a-t-il pas d'autre moyen ?" "Si, il existe un autre chemin en passant par la
vallée de Morez et Longchaumois." "Alors je vais prendre celui-là. Si au moins vous
pouviez me trouver un guide... " "C'est bon, c'est bon, messire", murmure
l'aubergiste, "vous aurez votre guide..." L'étranger resté seul dans la pièce, laisse libre cours
à ses pensées. "Morte", murmure-t-il. "Elle est morte
et je ne la reverrai plus jamais. Qu'est-ce que je fais dans ce monde si
Églantine est partie? " Et il reste perdu dans ses pensées pendant un moment,
"Non, ce n'est pas possible ! Eglantine n'est pas morte, elle est en
vie. Je le sens. Est-ce que mon existence entière ne lui est pas liée ? Je
dois partir et la chercher. J'ai besoin de trouver le capitaine Lacuzon. Lui seul peut me dire la vérité !
" |
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36. Jacques Vernier revient bientôt avec le guide
promis. C'est un garçon de ferme d'environ 13-14 ans mais il est grand pour
son âge. "C'est un garçon intelligent", dit l'aubergiste à son
guide. "Et s'il avait quelques années de plus, il serait une brave
recrue pour les corps francs de Lacuzon. Je vous assure que vous pouvez faire
totalement confiance à ce garçon. " "Ça me va", dit l'étranger. "Je pense
que c'est un grand et gentil garçon et au lieu d'un écu, je lui en donnerai
deux." Cinq minutes plus tard, le jeune homme part avec le
guide et ils quittent Champagnole. |
Le cheval marche au pas afin de ne pas trop fatiguer le
jeune guide. Cependant, celui-ci marche très vite avec la perspective des deux écus promis. Une légère brume descend sur les montagnes. Les fers du
cheval résonnent sur les pierres du chemin, leur bruit rompt le silence. Le
garçon sifflote un air. Après deux heures de marche à travers la forêt, Nicolas
Paget, le jeune guide et l'inconnu arrivent à l'entrée d'un taillis très
épais. Le garçon conseille à l'homme de descendre de cheval. Il a commencé à
neiger. Les deux hommes
marchent en silence. |
|
37. La nuit tombe. Un vent glacial frappe le visage du
voyageur et de son guide. Malgré son manteau épais, l'étranger est trempé. Le
chemin devient très mauvais, il dit: "Vous appelez ça un chemin, vous ?
Personne ne passe donc jamais ici ?" "Seulement quelques bûcherons et des charbonniers,
personne d'autre. Les gens de Champagnole qui doivent aller à Saint-Claude
font un détour par Clairvaux, mais Jacques Vernier m'a dit que vous vouliez
absolument passer par ce chemin. Enfin, la fin de cette partie si
fatigante du voyage approche. Il y a moins d'arbres et le couvert devient
plus léger. Les deux voyageurs sont maintenant arrivés à la lisière de la
forêt. Ils sont sur la crête d'une falaise abrupte qui se termine par une
gorge profonde. Il est
minuit maintenant, mais c'est la pleine lune. |
Une lumière bleutée illumine la neige, les sommets du
Jura et le plateau sur lequel se tiennent l'inconnu et son guide. Les sommets éclairés font paraître encore plus
obscures, les ténébreuses profondeurs de la vallée qui s'ouvre à leurs pieds.
Le versant, raide comme le toit d'une maison, est couvert de neige. "Messire," dit soudainement Nicolas, "je
vais vous laisser ici !" "Pourquoi ?" S'exclame le voyageur avec
étonnement. "Vous partez ? Et pourquoi ? " "Parce que nous approchons maintenant d'Orsières
et que c'est un nid de sorcières ", répond Nicolas Paget, d'une voix
tremblante. L'étranger qui connaît les superstitions des gens
d'ici, sourit. |
|
38. L'inconnu, cependant, n'est pas très heureux de la
perspective d'entreprendre seul le reste du voyage. Et le jeune Nicolas Paget
est déterminé à ne pas aller plus loin. "Et qu'est-ce que je vais faire maintenant sans guide ?" lui demande le voyageur. "Messire", dit le garçon, "le chemin est
très facile à trouver. Je vais vous dire comment procéder "et il donne
toutes les instructions nécessaires. |
Son cheval se met soudainement à glisser et rien ne
peut stopper sa chute. La neige est gelée et glissante, le voyageur se met à
dévaler dans la pente avec son cheval. Il regrette le moment où il a choisi
ce chemin plutôt qu'un autre plus sûr. |
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39 Comme par miracle, le cavalier et le cheval
parviennent au fond de la vallée après un long vol plané. Après être
resté un peu étourdi sur le sol, le
jeune homme se relève. Il palpe son cheval et constate que tout va bien.
Lui-même a subi quelques égratignures sans gravité. Avec joie, le voyageur
sifflote une chanson tout en changeant de vêtements et un moment après, il se
remet en selle sur son cheval. Il atteint le moulin dont lui avait parlé Nicolas Paget
et peu de temps après, il arrive au passage à gué sur la Bienne.
L'information que le guide lui a donnée est parfaitement exacte. L'étranger
fait entrer son cheval dans l'eau dont le niveau est assez bas. Elle atteint à peine les jarrets de
l'animal qui a retrouvé son calme. |
Après que le
jeune homme et son cheval eurent passé la Bienne, ils gravissent la côte sur
laquelle le chemin se prolonge. Le jeune homme continue pendant une heure.
Quand il atteint finalement un point culminant, il entrevoit à travers les
arbres, sous la clarté de la lune, les maisons d'un petit village,
disséminées sur le flanc d'une colline. Ce village s'appelle Longchaumois. Quelques minutes plus tard, le cavalier arrive à
l'entrée du hameau. Un peu plus loin se trouve un chalet qui ressemble à
toutes les maisons de Longchaumois: une maison basse avec toutes les portes et fenêtres qui donnent
sur le chemin. Le passage à gué s'est déroulé sans incident et cela
semble de bon augure pour le voyageur. |
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40 Le voyageur s'arrête sous l'ombre profonde de
quelques sapins. Il reste immobile et écoute. Il entend un murmure de voix
confuses, des cris et par-dessus cela, un cliquetis d'épées. Des cris et des
imprécations alternaient avec des gémissements. Il semble que tous ces bruits
viennent de la maison. Le jeune cavalier hésite un instant, ne sachant que
faire. Mais soudain, il voit jeune homme de grande taille près de la maison.
Ses cheveux noirs retombaient sur ses épaules et le voyageur peut apercevoir
au clair de lune, le visage du nouveau venu qui montre une expression fière
et noble. |
L'homme se promène lentement devant la maison sans
faire de bruit. Ses yeux noirs brillent d'indignation. Il semble que l'homme
est terriblement ému par ce qu'il peut voir par la fenêtre de la maison. L'homme fait plusieurs fois le tour de la maison et
s'arrête à la fenêtre. Immobile, il suit tout ce qui se passe à l'intérieur.
Il n'a aucune idée qu'il est espionné sur lui-même. Ce qui se passe à
l'intérieur semble horrible. L'homme a l'air remué et il semble qu'il va intervenir
immédiatement. |
|
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41. Que se passe-t-il entre-temps dans cette demeure
mystérieuse ? Nous revenons environ une demi-heure avant que le
voyageur inconnu n'arrive à la maison. Dans l'une des deux chambres de cette maison
appartenant à Jean-Claude Prost (ou si vous voulez, le capitaine Lacuzon), un
petit homme d'une quarantaine d'années est assis sur un petit banc devant la
cheminée, en égrenant son chapelet. Il réchauffe ses pieds froids à la
chaleur du foyer. C'est Pèlerin, le serviteur et le confident du capitaine
Lacuzon. Puis soudain un violent coup est frappé à la porte.
Dehors, huit hommes à figures de bandits. Ils sont armés jusqu'aux dents.
L'un des hommes dépasse d'une tête tous les autres et il s'avère être le chef
de la troupe. |
Il a un visage hideux et une profonde cicatrice lui
traverse la joue, allant jusqu'à la lèvre supérieure dont un morceau manque,
enlevé par un coup de sabre. C'est pourquoi il semble que l'homme affiche
perpétuellement un sourire tordu sur son visage. "Qui êtes-vous ?"
dit le vieux domestique qui n'est pas très rassuré. "Un ami", dit l'homme à la cicatrice,
"nous sommes de votre bord. Je viens de la part du capitaine. " "De mon maître ? Oui, mais vous devez me donner le
mot de passe. " "Oui ... le capitaine me l'avait donné ... mais je
l'ai oublié. Vous devez cependant nous laisser rentrer et fermer la porte
derrière nous. Nous avons un message. Votre maître est en grand danger ! Tout cela semble si sûr que l'homme ouvre la porte.
Cependant avant d'ouvrir, il décroche un vieux fusil du mur ... |
|
42. Dès que la porte est refermée derrière eux, toute
trace d'aménité a disparu chez les huit
hommes. Trois d'entre eux se jettent sur le domestique et en quelques
secondes ils lui arrachent son vieux fusil et lui lient les mains dans le dos. "Les Gris!" Balbutie anxieusement le
domestique. "Ce sont les Gris!" Il jette un coup d'œil au colosse
et il comprend soudainement qui il est : "Lespinassou!" Crie-t-il. C'est bien le terrible Lespinassou, le monstre sans
visage qui n'a de pitié pour personne. Il affiche maintenant un effroyable
sourire avec sa lèvre mutilée et rit férocement: "Ha, tu sais qui je
suis maintenant, c'est bien, ça va simplifier un peu les choses." Il
s'assied au coin du feu et pose son chapeau sur la table. |
Le malheureux serviteur est conduit à Lespinassou. L'un
des hommes pose la pointe de son épée sur la poitrine du domestique et
demande: "Où est Lacuzon ?" "Je ne sais pas", murmure le domestique avec
la voix d'un homme terrifié. "Où est Varroz?" "Je ne sais pas." "Et Marquis?" ... "Eh bien," dit Lespinassou avec un ton de
bonhommie amicale qui ressemblait à la caresse d'un tigre: "Tu ne sais donc vraiment rien
?" "Rien, rien. Je ne sais rien. "Les Gris,
cependant, voient bien qu'ils ont peu à douter sur l'issue
de l'interrogatoire de cet homme: Il a aussi peur qu'une belette. |
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43. Nous sommes maintenant à l'extérieur de la maison
où le pauvre serviteur est torturé par l'infâme Lespinassou. Toujours caché
derrière quelques arbres, le voyageur suit les mouvements de l'homme aux longs
cheveux noirs. Il devient urgent de voir ce qui se passe à l'intérieur. Puis il y a un grand cri dans la maison. Après ce cri
sinistre, il y a un silence pendant quelques secondes. Mais le jeune homme aux cheveux noirs a maintenant pris
sa décision. Il a un pistolet dans la main gauche et une épée dans la droite.
Le voyageur ne bouge pas, bien qu'il aurait voulu se joindre à cet homme. |
Le voyageur ne bouge pas, bien qu'il aurait voulu se
joindre à cet homme. Car, bien qu'il ne le connaisse pas, il éprouve une
sympathie instinctive pour cet obscur jeune homme qui fait preuve d'un courage si
indomptable. Il prend un court élan et il saute à travers la fenêtre
de la maison, il y aussitôt un énorme fracas. L'homme a disparu. Le voyageur ne le voit plus. Tout semble calme dans la
maison, mais soudain un grand tumulte éclate, encore plus violent que le
précédent ... |
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44. C'est précisément le moment où Pélerin, le vieux
serviteur est en train de céder sous la torture. "Otez-moi cette épée, je vous dirais tout. Je ne sais
pas où est Lacuzon, mais Varroz et Marquis sont dans..." Il n'a pas le temps de finir sa phrase car à ce moment
un homme sombre se précipite par la fenêtre. Il se retrouve soudainement au
milieu des Gris qui ne savent bientôt plus que faire. Immédiatement le jeune homme commence à tirer et un,
deux Gris tombent. Une grande confusion se produit. Qui est donc ce jeune
homme téméraire qui vient de surgir dans la maison ? L'inconnu, cependant, profite de la
confusion qui règne. |
Un autre Gris tombe sur le sol. L'homme se place le dos
au mur pour s'assurer qu'il ne sera pas attaqué par derrière. Un quatrième homme est tué. Les trois autres commencent
maintenant à désespérer. Lespinassou, cependant, passe en revue la situation
et quand il remarque qu'il n'a qu'un seul adversaire face à lui, il appelle
les autres : "Il est seul et nous sommes quatre. "Tuez-le !"
Et il tire avec ses deux pistolets. Mais ses mains tremblent et il manque son
but. L'inconnu s'élance contre lui. Il crie :
"Misérable !" "Oh, je
te connais bien. Tu es Lespinassou, tu
as la férocité du loup et sa lâcheté! Montre si tu es un homme, viens donc et
battons-nous, d'homme à homme !" |
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45. Lespinassou fait quelques pas en direction du jeune
homme, il se jette sur lui et un grand combat commence. Bien que le nouveau
venu soit grand, Lespinassou le dépasse d'une tête. L'autre, cependant, est
rapide et agile et Lespinassou comprend qu'il va perdre la bataille au corps
à corps. Il a encore trois complices et il leur crie: "Lâches ! Vous ne
pouvez pas venir m'aider ? Vous voyez bien qu'il est seul .... ! " À ces mots, les Gris restants reprennent courage et se
joignent à la lutte qui est maintenant très inégale. |
Le jeune homme se tient dos au mur et il ne peut rien
faire d'autre que de manier son épée avec la plus grande dextérité pour se
défendre contre les quatre épées. Le combat devient inégal. Il est fatigué. Le sang bourdonne dans ses oreilles. Il
réunit une fois de plus toutes ses forces et parvient à étendre raide mort
l'un des attaquants. Lespinassou et ses deux sbires reculent, mais ils se
relèvent et le combat ne dure plus très longtemps de cette manière. Les trois bandits voient que les forces de leur
adversaire diminuent. Ils voient qu'il commence à chanceler et qu'il ne fait
que parer presque inconsciemment, leurs coups. |
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46. Lespinassou et ses deux hommes sont à l'attaque et
ils ont l'impression d'être victorieux dans cette bataille inégale. Le brave
jeune homme est fatigué. Il peut à peine lever le bras pour repousser les
coups et ses jambes peuvent à peine le porter. Il décide d'abandonner le
combat. Il baisse les bras et les trois hommes lèvent déjà leur épée contre
lui. Le jeune homme baisse la tête, il recommande son âme à Dieu et attend la
mort. Mais au lieu de la mort, le
secours arrive soudainement. Une voix résonne à l'extérieur: "Courage! …J'arrive. Je viens vous aider!
" |
Un jeune homme saute par la fenêtre ouverte et fait feu
avec ses deux pistolets. Un des Gris tombe. Le nouveau venu n'est autre que
le jeune homme que nous avons déjà rencontré dans l'auberge de Jacques
Vernier et que nous avons accompagné dans son voyage à Longchaumois. Il se tient à côté du jeune homme aux cheveux noirs et
avec son épée à la main. "Maintenant nous voici à égalité!"
Crie-t-il à Lespinassou. "Deux contre deux." Viens voir un peu si
tu l'oses ! Voyons un peu si tu es courageux !" Immédiatement il se lance à l'attaque et le jeune homme
noir qui se sent renforcé par cette aide inattendue, saisit à nouveau son
épée et se bat. |
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47. Lespinassou montre maintenant à quel point il est
lâche. Il comprend qu'il va perdre ce combat et il voit dans la fenêtre
ouverte, une chance de s'échapper. Il fait un bond et disparaît parmi les
arbres, suivi de son seul homme survivant. Pendant un moment, l'étrange jeune
homme veut poursuivre les deux fuyards pour leur donner leur juste punition,
mais quand il voit à quel point l'homme aux cheveux noir est faible, il
décide de rester en sa compagnie. Il prend la main de son sauveur et dit simplement:
"Qui que vous soyez, messire, Français, Franc-Comtois, Espagnol ou
Suédois, le capitaine Lacuzon sera votre ami pour la vie!" "Lacuzon ...", répète l'autre, "Vous
êtes Lacuzon ?" "Oui"
C'est une bonne étoile qui m'a fait vous trouver ici ! "Une bonne étoile ? Mais, messire, je ne vous
connais pas et comment me connaissez-vous ?" |
"J'ai quelque chose d'important à vous dire,
capitaine, et j'ai voyagé jusqu'ici depuis Champagnole dans l'espoir de vous
rencontrer!" "Une bonne étoile ? Mais, messire, je ne vous
connais pas et comment me connaissez-vous ?" "J'ai quelque chose d'important à vous dire,
capitaine, et j'ai voyagé jusqu'ici depuis Champagnole dans l'espoir de vous
rencontrer!" "Qu'est-ce que vous avez donc à me dire alors
?", Demande Lacuzon. "C'est une longue histoire, capitaine et l'endroit
où nous sommes maintenant ... .." "Est sinistre, n'est-ce pas ?…Vous avez raison
!" dit le capitaine, "nous devons partir d'ici." Les deux
hommes regardent autour d'eux pendant un moment: la maison est toute dévastée
et remplie seulement de cadavres. Ils en sortent rapidement. |
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Les 2 hommes font connaissance |
48. Le capitaine Lacuzon et le jeune voyageur quittent
la sinistre demeure. "Je pense que vous devriez m'expliquer la cause de
ce long voyage et pourquoi vous vouliez me parler", commence Lacuzon. - Je vous le dirai, dit le jeune homme, et,
s'interrompant, vous n'êtes pas à pied, capitaine? "Bien sûr que non," dit le capitaine.
"Mais mon cheval est très spécial et n'a pas besoin d'être attaché". Et pour le prouver, il porte
deux doigts à ses lèvres et fait entendre un sifflement aigu. Au loin, le bruit d'un cheval au galop retentit et une
belle jument barbe apparaît quelques instants après. "Quel bel animal !" S'exclame l'inconnu. |
"C'est un cadeau de Charles de Lorraine", dit
le capitaine en caressant la crinière de l'animal." Elle me connaît,
elle m'aime, elle obéit à mon appel et n'obéit à personne d'autre." Le
voyageur veut caresser l'animal, mais elle se cabre furieusement. "Prenez garde !" Crie Lacuzon en retenant les
rênes du cheval "pour ceux qu'elle ne connaît pas, cet animal est
dangereux !" Les deux hommes se mettent en selle et marchent en
silence pendant quelques minutes. Les
deux hommes sont perdus dans leurs pensées. L'un d'eux admire le jeune
capitaine de vingt-deux ans et le prend à part. L'autre rompt le silence. "Vous ne m'avez toujours pas dit ce que vous êtes
venu chercher. Dans quelques heures nous arriverons dans une région où le
silence deviendra nécessaire. Donc il vaut mieux parler dès maintenant. Je vous écoute et je vous
promets par avance que je ferai tout mon possible pour vous aider. " |
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49. Le jeune voyageur commence son histoire.
"Capitaine", dit-il, avec une voix qui vibre d'émotion, "Ma
situation est difficile et mon embarras extrême. Et avant que je ne vous dise
tout, vous devez me promettre de ne pas révéler mon secret. Je ne veux pas
que quelqu'un puisse apprendre quoi que ce soit de ce que je vais vous dire. "Vous m'étonnez et vous m'intriguez singulièrement
! S'exclame Lacuzon. "Je vous connais à peine depuis quelques heures et
déjà vous me confiez vos secrets. De toute façon, je vous écouterai. " "Capitaine" continue l'autre, "vous avez
une nièce qui vivait avec son père dans une petite maison près de Dole. Le
père est parti et il est revenu récemment, mais ... voici qu'on dit qu'Églantine est morte. Est-ce vrai? " Lacuzon regarde devant lui et ne dit rien. L'autre
explique ce silence à sa manière. |
"Terrible", murmure-t-il. Elle est morte, je
le sens ...... L'accent désespéré de la voix du jeune homme fait
tressaillir de nouveau le capitaine et il est clair qu'il est très embarrassé. "Alors vous la connaissiez donc ?"
Demande-t-il. "Je la connais très bien!" "Et peut-être vous l'aimiez ?" "Oui, je l'aimais… De tout mon cœur." Il y a un profond silence pendant un moment. Alors
Lacuzon balbutie : "Et elle ... elle vous aimait aussi ?" "Elle était douce et bonne pour moi." Le capitaine détourne la tête. Il a les larmes aux yeux
et pendant quelques instants cet homme fort et héroïque devient comme un
enfant... |
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50. Les mots de l'inconnu ont provoqué un grand
changement chez le capitaine. On dirait qu'un voile a été enlevé de son
visage. Il aime aussi Églantine. Cependant, il ne lui a jamais fait connaître
son amour, mais l'a chérie au plus profond de son cœur. Puis il relève
brusquement la tête avec fierté: il est redevenu le brave capitaine Lacuzon.
"Tu m'as sauvé la vie", dit-il, "et ce serait payer bien mal
ma dette si je te laissais plus longtemps dans l'incertitude. Églantine n'est
pas morte !" À ces mots, les yeux du jeune homme se mettent à
briller. Pendant un moment, ils continuent silencieusement mais le capitaine
rompt le silence. "Après les confidences que vous venez de me faire,
j'ai le droit d'entendre votre histoire et de connaître vos futurs projets
..." |
Et le jeune homme qui n'a rien à cacher au capitaine,
commence à raconter l'histoire que nous connaissons déjà. En effet, l'étrange
voyageur n'est autre que Raoul de Champ d'Hivers, fils du baron Tristan de
Champ d'Hivers dont on connaît la fin tragique. Raoul raconte avec précision toute son histoire :
l'amour malheureux de son père Tristan, pour Blanche de Mirebel, le meurtre
du comte de Mirebel, la disparition de la jeune fille… Puis le mariage de Tristan de Champ d'Hivers, son père,
avec Odette de Vaubécourt, la naissance de Raoul, la mort de sa mère et enfin
la tragique nuit où une main criminelle incendia le château de son père et
où le fidèle Marcel Clément emportant
avec lui, Raoul, a fui le château après avoir constaté qu'il ne pouvait plus
rien faire pour le vieux seigneur de Champ d'Hivers qui venait d'être
assassiné. |
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51. Lacuzon a suivi de près l'histoire de Raoul de
Champ d'Hivers. Son visage est grave et tout montre qu'il a porte un grand
intérêt à ce que lui raconte son nouvel ami. De temps en temps, il interrompt
Raoul pour lui expliquer quelque chose qu'il ne comprend pas. Raoul continue son récit. Il essaie d'être aussi
complet que possible dans son histoire. Il parle aussi abondamment de cette
nuit terrible dans laquelle le château a été incendié. "Mon père n'est
pas mort de façon naturelle pendant cette nuit. Il a été assassiné ! " "Un meurtre ?" Demande Lacuzon avec
étonnement. "Et par qui ?" "Le Masque noir!" "Et vous pensez que le Masque noir…" "Je sais que l'homme au masque noir n'est autre
qu'Antide de Montaigu et j'espère qu'il y aura un jour prochain où je pourrai
vous le prouver. |
Marcel Clément l'a reconnu cette nuit à sa voix, son
attitude et sa manière de se déplacer. Les derniers mots de Raoul de Champ d'Hivers firent une
profonde impression sur Lacuzon. Il peut difficilement croire que ce que son
compagnon dit est vrai. "Ce n'est pas possible", dit-il. Antide de
Montaigu est l'un de nos plus grands combattants pour la liberté de la
Franche-Comté. C'est dans son château que les opérations militaires sont
planifiées et les préparatifs faits. Il nous fournit également de l'argent et
de la nourriture. Vous le voyez: je ne peux pas croire que ce que vous dites
soit vrai." "Je comprends, mais j'attendrai patiemment. Un
meurtrier ne peut pas être un vrai compagnon d'armes ! " |
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52. Lacuzon connaît maintenant toute l'histoire de
Raoul de Champ d'Hivers. Il sait qu'il est issu d'une vieille et noble famille et qu'il a été élevé par un fidèle
serviteur qui l'a sauvé du château en feu, de son père. Lacuzon sait aussi
que Raoul a rencontré Églantine lorsqu'il faisait partie de l'armée du
maréchal de Villeroi qui faisait alors le blocus de Dôle. Raoul lui dit aussi
que lors de ses conversations avec Églantine, le nom de Lacuzon était souvent
cité. "Tu es mon ami", explique simplement Lacuzon
à la fin de l'histoire et il lui tend la main. Les amis continuent leur voyage qui mène sur des pentes
abruptes. Quand ils atteignent un sommet, d'où ils ont une belle vue sur les
environs, Lacuzon commence à parler à nouveau. "Vous ne m'avez pas dit
quels sont vos projets et ce que vous voulez faire avec Églantine,
dit-il." "Je ne comprends guère votre question, capitaine !
" S'exclame Raoul, "je veux la faire baronne de Champ d'Hivers, si
vous en êtes d'accord. "Vous me demandez la main de ma cousine ?" 'Bien sûr ! Et dès que nous verrons son père, je lui
demanderais également." "Malheureusement,"
dit tristement Lacuzon. |
"Vous ne verrez jamais son père car il mourra
demain. " Raoul est trop surpris pour répondre et Lacuzon
continue: "Vous savez que depuis deux jours, le Sire de Guébriant et ses Suédois ont occupé
Saint-Claude ?" "Oui ... mais Pierre Prost ?" "Mon oncle a été arrêté avec un certain nombre
d'autres habitants, soupçonnés d'espionnage. "Lui qui est la loyauté même ! Dès que le jour se
lèvera, il sera mis à mort. " "Mais ils n'oseront pas !" "Vous vous trompez, ils osent tout. Ils pensent
qu'ils peuvent intimider les montagnards en tuant mon oncle. "Mais n'y a-t-il pas moyen de l'aider ?"
S'interroge Raoul. "Pensez-vous que je parlerais si calmement avec
vous ici si je n'avais aucun espoir pour son salut ?" Répond Lacuzon.
Les hommes continuent. Ils arrivent dans un petit bois très épais et ont à
peine quitté le couvert, qu'un homme saute derrière eux du haut d'un de ces
arbres. Il tient une arme à la main. "Qui va là ?" demande-t-il. "Saint-Claude et Lacuzon" répond le
capitaine. |
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53. L'homme qui s'était mis au travers de la route et
leur barrait ainsi le passage, est un partisan franc-comtois. "Ah, c'est vous, capitaine !" s'exclame
l'homme quand il reconnaît Lacuzon. "Descendons de cheval, Raoul", dit Lacuzon en
se tournant vers l'homme: "Il y a du nouveau ici ?" "Rien, capitaine!" "Et dans la ville ?" Les Suédois et les Gris ont pillé un grand nombre de
caves, y compris celles du couvent. Ils ont éventré des fûts de vin et ils
étaient saouls à la fin du pillage. " "C'est bien, va ! Merci." Le partisan repart
avec les deux chevaux. Le capitaine et Raoul continuent à pied le long de la
route de Saint-Claude. |
Quand ils atteignent la sortie du bois, Lacuzon dit à
son compagnon: "Et maintenant, Raoul : plus un mot ! Nous ne pouvons
plus faire le moindre bruit. L'ennemi est devant nous, derrière nous, à nos
côtés, partout ! Le moindre bruit nous trahirait et provoquerait le signal
d'un tir nourri de mousquets dont nous serions la cible. Nous continuons
maintenant le long de la rivière. Ensuite, nous profiterons du couvert des
arbres". Les deux hommes prennent toutes les précautions que
Lacuzon juge nécessaires. Après un certain temps, ils arrivent à un endroit
où la Bienne fait un coude et où la rivière s'écoule plus rapidement.
Quelques dizaines de mètres plus loin, ce sont les murs de la ville.
"Arrêtez-vous ! Murmure le capitaine, caché derrière un épais tronc
d'arbre. Après avoir regardé autour pendant quelques secondes, il porte ses
mains à sa bouche et imite le cri de la chouette. Quelques secondes plus
tard, on entend le même hululement à l'intérieur de la ville. |
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54. La lune éclaire juste cette partie du mur qui
faisait face aux hommes. Ils voient une grande tour massive et une partie du
rempart sur lequel une sentinelle suédoise allait et venait lentement, avec
régularité. Elle porte un mousquet sur l'épaule. Le métal de ses armes
étincelle faiblement sous les rayons de la lune. Tout est calme. L'homme
marche sur le rempart éclairé puis quand il arrive dans l'ombre projetée par
la tour, les deux amis ne peuvent plus le voir. Ils ont observé la sentinelle
pendant plus d'un quart d'heure. Puis un nouveau venu apparaît sur la
muraille. Il marche en pleine lumière, comme s'il voulait attirer l'attention
sur lui-même. La
sentinelle marche le dos tourné au nouveau venu. |
Il marche derrière la sentinelle et à l'étonnement de
Raoul, il commence à chanter d'une voix retentissante, une célèbre chanson de
la liberté franc-comtoise. La sentinelle bien qu'habituée à de telles
manifestations de la part de jeunes hommes ivres n'approuve pas la présence
du chanteur. Mais si l'homme a presque terminé son couplet, c'en est
apparemment trop pour le Suédois. Il se dirige rapidement vers le chanteur.
Le vent porte maintenant des sons différents à Lacuzon et Raoul. Ils
entendent d'abord les fragments d'une conversation, puis le cliquetis de
l'acier sur la pierre, suivi de quelques bruits sourds et indéfinissables.
Tout cela se passe en quelques minutes. Ils aperçoivent juste le soldat suédois, revenu avec son
fusil sur l'épaule. |
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55. Ce qui s'est passé sur le mur n'est pas difficile à
deviner. Profitant de la surprise provoquée par l'attaque soudaine de la
sentinelle, le chanteur l'a maîtrisée et, en quelques minutes, il en a
profité pour enlever l'uniforme du Suédois et s'en revêtir. Quelques minutes
plus tard, Raoul et Lacuzon voient à nouveau la tête de la sentinelle entre
les remparts du mur. Il est légèrement plus costaud et plus grand que son
prédécesseur. L'homme va et vient sur le rempart. Il revient une
fois, deux comme l'a faite la sentinelle précédente. Puis le chanteur entame
le deuxième couplet de la chanson de la liberté qu'il avait interrompu un
quart d'heure plus tôt. |
La chanson commence comme ceci: "Comte Jean, voici
venir l'heure, me voici, pourquoi ne viens-tu pas ?" "C'est Garbas", dit doucement Lacuzon à
Raoul. "Si nous sommes assez rapides, nous pourrons rentrer dans les
murs de St-Claude sans résistance. Viens, Raoul !" Les hommes quittent
l'abri derrière leur arbre et pataugent dans l'eau de la Bienne qui n'est pas
haute. Le niveau ne monte pas encore au genou. Puis ils se trouvent au bas du
mur, prêts à investir la ville avec l'aide du partisan qui a neutralisé les
gardes. |
La maison de la Grand' rue |
56. Au pied de la grande tour, les hommes restent
immobiles. Lacuzon murmure doucement. Puis une échelle de corde glisse sur le
mur. "Je connais le chemin et j'y vais", dit
Lacuzon, en saisissant l'échelle et en grimpant. "Suivez-moi !"
|
"Non, rien. La surveillance est encore très
stricte et le bûcher a déjà été mis en place." Tout le monde dort, sauf les nombreuses sentinelles qui
ont été postées aux points
stratégiques. Saint-Claude est une ville pauvre avec un seul trésor:
le monastère. Mais le monastère de Saint-Claude et Saint-Lupicin est à cette
époque, un des plus riches d'Europe et c'est pourquoi les Suédois apprécient
de rester dans cette ville. |
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57. Au bout de la Grand' rue à
Saint-Claude, non loin de la place Louis XI, se trouve une petite maison
simple. En bas se trouve une chambre meublée très austère. Deux hommes aux
visages inquiets sont assis devant la cheminée. L'un est un homme d'environ
soixante ans, un prêtre d'après ses vêtements. Son compagnon porte un
uniforme militaire presque semblable à celui de Lacuzon. C'est un homme d'âge
moyen. Sa stature est jeune et athlétique mais ses cheveux blancs coupés
courts trahissent son âge. Le marteau du beffroi de la cathédrale frappa deux
coups sur la cloche. "Deux heures ! S'écrie le colonel, déjà !" |
Il avait à peine dit cela qu'on frappe à
la porte. Les hommes se regardent brièvement. |
|
La maison de la
Grand' rue |
58. Lacuzon n'a toujours pas révélé
l'identité de son compagnon. "Raoul, dit Lacuzon, voilà les deux héros
dont vous avez souvent entendu parler: voici le colonel Varroz et le curé
marquis. Et maintenant que vous savez qui ils sont, vous devez aussi leur
dire qui vous êtes. Montrez-leur d'abord votre visage." |
Je suis Raoul de Champ d'Hivers. "Et moi, dit Lacuzon, je vous confirme
que c'est bien la vérité." Le vieux colonel ne peut plus cacher son
émotion. Il presse Raoul contre sa poitrine et des larmes roulent sur ses
joues bronzées. |
|
59. "Les Suédois sont nombreux", poursuit le
prêtre, un peu dubitatif devant la
certitude de Lacuzon de sauver son oncle. |
Alors, des bruits de pas retentissent dehors et se
rapprochent rapidement. Quelqu'un se tient maintenant devant la maison. Les
hommes écoutent ... Puis on frappe à la porte trois fois. |
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|
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Quel
est le secret de Pierre Prost? |
60. "Je ne pense pas que vous soyez venus ici pour
nous conter toutes ces histoires si tard dans la nuit !" Interrompt
brusquement le curé Marquis. |
"Mieux que ça," répond-t-il. "J'ai un laissez-passer" et il
tire un morceau de papier autorisant son accès auprès du condamné Pierre
Prost. J'aurai le droit de rester seul avec lui pendant une heure ...... Ce
sauf-conduit signé par le comte de Guébriant donne soudain une idée à
Lacuzon. |
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61. En quelques minutes, le Capitaine Lacuzon s'est
travesti en moine. Il rabat le capuchon sur son visage : "Est-il
possible de me reconnaître ainsi vêtu ?" |
Parce que quelqu'un avait un peu trop parlé,
Lespinassou avait entendu parler du retour de Pierre Prost. Le Masque noir
avait ainsi appris que sa fille Églantine était morte. Il trouva que c'était
une bonne nouvelle pour lui. Ainsi personne ne pourrait plus jamais
l'identifier. A trois heures du matin, il entend du bruit devant sa
cellule et un instant plus tard, un moine entre, accompagné de deux soldats. L'un d'eux porte une lanterne. |
|
62. "Vous avez une heure !",
dit l'un des soldats avant leur départ. |
"Ecoute-moi et utilise ce que je te dis
maintenant, comme une arme contre l'homme qui est l'un des plus terribles
ennemis de la Franche-Comté. |
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Le
bûcher sur la place Louis XI |
63. L'heure de partir est arrivée pour le moine et les
deux soldats suédois viennent le chercher. |
Les gens considèrent cette exécution comme un
spectacle. Et ils se sont levés tôt pour s'assurer d'avoir une bonne place.
Lacuzon parcourt rapidement la foule. Cependant, il garde les yeux bien
ouverts et reconnaît parmi les groupes, plusieurs de ses hommes. Ils se sont
plus ou moins déguisés et Lacuzon voit qu'ils sont bien armés sous leur
déguisement. |
|
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64. Lacuzon a hâte de raconter le grand secret à ses
amis. Mais il comprend que la présence du frère peut être gênante et donc il
se tourne immédiatement vers lui : "Repartez chez vous, frère Malo. Et
puis faites le plus vite possible, avant que votre supérieur ne commence à
s'interroger sur votre longue absence. Mais d'abord, je vais vous donner un
bon conseil. " |
dans une aventure aussi audacieuse. En réalité,
cependant, il n'a rien compris des
intentions réelles de Lacuzon ... |
(*) Chant religieux en latin signifiant :
"Réjouissons-nous donc"
|
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65. Raoul est toujours convaincu que le Masque noir et
Antide de Montaigu ne sont qu'une seule et même personne. Cependant, ses amis
ne peuvent pas le croire. Pour le moment, cependant, un seul sujet importante
vraiment : Pierre Prost. La trinité des chefs décide de ne rien révéler à Églantine
au sujet de sa naissance. |
"Et tandis qu'il constate que Raoul est également
d'accord avec le plan, il dit," Appelez Églantine. " |
|
|
66. La porte s'ouvre et Églantine entre. Elle est devenue une très belle jeune fille et
son apparence a quelque chose de royal. Par nécessité, elle ressemble à
toutes les jeunes filles de cette région: elle porte une robe simple et un
petit bonnet de velours sur des cheveux foncés et bouclés. Deux grands yeux
bleus donnent quelque chose de doux au visage pâle et mélancolique. |
dans la forêt de Chaux ?" demande le
prêtre. |
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67. Une faible lumière commence à
pénétrer dans la pièce. |
"Tu dois y conduire ce gentilhomme
et ma cousine et tu viendras ensuite me rejoindre. " |
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68. Le jour est arrivé. La place Louis XI
a été transformée en un immense carré pour l'exécution. Des centaines de
personnes attendent là. D'une part il y a des soldats suédois, des Gris et
des Français, mais il y a aussi beaucoup d'amis de celui qui sera bientôt
exécuté. Ils regardent l'air sombre et lugubre .... |
Le cortège se met en route; les gens
présents voient celui-ci déboucher par une des portes monumentales de
l'abbaye qui donnent sur la place. Au-dessus de cette porte se trouve un
balcon de pierre d'où l'on pouvait embrasser la place entière d'un seul
regard. Un détachement de soldats suédois, fusil sur l'épaule, est posté
autour du bûcher. Quand les curieux s'avancent un peu trop, les soldats
doivent prendre des mesures. Ils les refoulent brutalement mais les jeunes
montagnards, les hommes de Lacuzon, savent bien se placer sans que les
suédois ne s'en aperçoivent. Pierre Prost s'avance sur la place d'un pas
ferme. Ses mains sont liées dans le dos. Deux détachements de soldats, conduits
par Lespinassou, marchent à ses côtés. Les exécuteurs avec leurs torches
enflammées, marchent à gauche et à droite. |
|
69. Alors que Pierre Prost attend la mort
sur la place Louis XI, Raoul et Églantine restent dans la maison
du nommé Pied-de-Fer où ils attendent le cours des événements dans une angoisse
extrême. Les deux jeunes gens parlent peu. Églantine, pâle et sombre,
sanglote doucement. Elle sait que ses amis risquent leur vie pour sauver
celle de son père. En ce qui concerne Raoul: Il ne pense qu'aux autres qui se
battent sans lui alors qu'il est
obligé de se cacher avec une jeune fille dans une chaumière à l'abri derrière
d'épais barreaux. Puis un bruit attire
son attention. Il y a des cris et des éclats de rire. Raoul entrouvre un rideau et regarde au dehors. |
Ce sont des soldats
de Lespinassou, des Gris et il est clair qu'ils ne veulent pas du bien à
cette femme âgée d'environ 55 à 60 ans. L'épouvante et le désespoir peuvent
se lire sur son visage. Elle se met à genoux devant les soldats et les
supplie de la libérer. |
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70. Tandis que leur camarade fixe le nœud
coulant dans l'arbre, les autres continuent de tourmenter la vieille femme
qui toujours agenouillée, les supplient
de la libérer. Cependant, lorsqu'elle réalise qu'il ne lui reste désormais
plus rien à espérer, elle joint ses mains pour une dernière prière. |
Les Gris ont passé le nœud coulant autour
de son cou et la seule chose qui sépare encore cette vieille la femme de la
mort, c'est la grosse pierre qui sera bientôt retirée. Raoul qui est
au comble de la tension et de l'indignation, comprend qu'il est temps
d'intervenir. |
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71. Quand les Gris voient l'étranger arriver, ils
interrompent un moment, leur tâche. Les hommes ne connaissent pas l'uniforme
de Raoul et ils craignent qu'il ne soit de l'état-major. Les hommes lui font
un salut militaire. Raoul décide alors de profiter de cet avantage. Il
demande gentiment : "Quelle diable de besogne faites-vous donc là,
camarades?" |
Bientôt la conversation prend un tour nettement moins
amical. Les hommes ne sont que modérément satisfaits de l'intervention de
Raoul et lui montrent clairement. Raoul, cependant, ne se laisse pas
déconcentrer. |
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72. La pierre roule et la vieille femme est maintenant
suspendue dans l'air au bout de sa corde, déjà secouée de convulsions Raoul a tiré son épée et se rue à l'assaut
du Gris. Il l'attaque violemment. L'homme se défend faiblement et appelle ses
camarades à la rescousse. Puis il tombe raide mort. Les deux autres qui ont
été choqués au spectacle de cette courte lutte, prennent la fuite. |
La fontaine qui est à deux pas de la maison s'avère
d'un grand secours. Raoul puise l'eau fraîche dans ses mains et la répand sur
le visage et le cou meurtri de la vieille femme. Son coeur bat encore mais
très faiblement. |
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73. Pendant que Raoul s'occupe de la vieille femme,
deux coups de feu retentissent soudainement. Deux balles sifflent tout près
de sa tête. Il se retourne vivement, il voit les silhouettes des hommes qui,
après l'échec de leur attaque, se sont enfuis précipitamment en direction des
collines. |
Et il y a aussi la vieille femme qui a
besoin de ses soins. Quand il revient auprès d'elle, il la trouve non
plus étendue mais assise. Elle a repris connaissance. La vieille Magui se
souvient de tout et avec des larmes, elle remercie Raoul. Celui-ci admire
chez elle, la pureté de son langage et le choix de ses expressions qui
contrastaient énormément avec la pauvreté de ses vêtements.. |
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74. En attendant,
les dernières mesures sont prises pour l'exécution sur la place Louis XI. Les
gens sont sinistres et attendent en silence le cours des opérations. Pierre
Prost se montre courageux. Il marche fièrement pour son dernier parcours. La foi éclaire son
visage. Quelques pas seulement le séparent désormais du bûcher. Il relève la
tête et regarde tranquillement la foule devant lui. Son expression est plutôt
celle d'un vainqueur que celle d'un condamné à mort. |
"Le Masque noir !" Il prend une
attitude impassible, ne se souciant pas de l'homme qui se tient à ses côtés, le comte de
Guébriant. |
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75. Au milieu du bûcher il y a un poteau
avec un collier de fer. Les exécuteurs ont mis ce collier autour du cou de
Pierre Prost. |
Un silence mortel règne sur la place et
on n'entend que le seul crépitement des flammes qui se rapprochent déjà du
condamné. Les visages atterrés regardent le bûcher et soudain, un cri s'élève
de la foule. |
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76. Trois hommes prennent d'assaut le
bûcher, éteignant les torches en feu avec leurs pieds. La foule reconnaît
immédiatement le colonel Varroz, le curé Marquis et le capitaine Lacuzon, et
les acclamations redoublent. Lacuzon détache le carcan de fer qui enserrait
le cou de Pierre Prost et coupe les cordes qui attachaient ses mains. Les
Suédois qui sentent la pointe d'un poignard sur leur gorge n'osent pas
bouger. |
Il s'adresse au comte de Guébriant:
"Vous voyez bien que nous sommes les plus forts et que vos soldats ne doivent pas résister.
Donnez-leur l'ordre de déposer leurs armes. Je vous donne ma parole de soldat
qu'ils ne leur sera fait aucun mal !" |
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77. Les soldats suédois savent cependant qu'ils vont
perdre la bataille. Ils sentent les poignards pointés sur leur gorge. Malgré
le commandement du Masque noir, ils
laissent tous tomber leur mousquet à terre. Lacuzon se consacre maintenant
entièrement à son oncle. Il essaie de se frayer un chemin à travers la foule
en liesse. Marquis et Varroz marchent à côté de lui. Sur le balcon, deux
hommes regardent ce qui leur arrive. Sur le visage de Guébriant, outre la
colère, se lit aussi la peur : les montagnards pourraient bien se révolter.
Sur le visage de l'autre, seules la haine et la |
vengeance se lisent. Sans que
personne ne s'en aperçoive, il prend un pistolet à sa ceinture. Il est très calme. |
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78. Raoul de Champ d'Hivers ne sait rien
de ce qui se passe sur la place Louis XI. Quelques instants, avant que le
Masque noir n'ait tiré son coup de pistolet, il parle à la "vieille
sorcière". |
Je suis pour les Franc-Comtois, mais
pourquoi demandez-vous cela ?" |
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79. Sur la place Louis XI, la situation
est précaire, c'est le moins que l'on puisse dire. Pierre Prost est mort. |
Le curé Marquis, qui veille le corps de
Pierre Prost, est protégé par une barrière infranchissable de montagnards. Le
colonel Varroz se bat avec héroïsme. |
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80. Raoul oublie subitement tout après
avoir entendu le coup de feu : sa promesse, la mission qu'il a reçue et même Églantine
! Il sait que ses amis sont en danger et qu'il n'est pas présent avec eux
pour les aider. Il se précipite sur la place Louis XI, mais se perd dans les
innombrables ruelles. Il croise en permanence des fuyards qui courent à toute
vitesse en sens inverse mais personne ne veut s'arrêter pour répondre à ses
questions. Il est complètement égaré. |
Quand il a déjà abandonné l'espoir de
retrouver ses amis, il se retrouve enfin dans une rue menant à la place Louis
XI. |
|
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81. Lespinassou avait profité du premier moment de confusion
dans la bataille pour aller chercher de nouvelles troupes. Ses troupes,
cependant, sont accueillies par des coups de feu. |
Les Suédois d'une part et les Gris
d'autre part se préparent maintenant à aider leurs chefs. |
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82. Une terrible bataille s'engage. Il
est certain que l'un des deux chefs devra mourir dans ce combat. Les Gris et les
montagnards regardent, anxieux et démoralisés. Les Suédois cependant, y
voient plutôt un spectacle fascinant. personne !", lui répond Lespinassou. |
Lacuzon, cependant,
est agile et ses membres durs comme l'acier et il sait comment parer le coup.
Avant que Lespinassou ne puisse à nouveau lever son épée, le capitaine fait
un rapide écart. Avant que l'épée de Lespinassou ne soit descendue, Lacuzon a
utilisé cette seconde pour frapper son adversaire au bras. |
|
|
|
83. Lespinassou est plus fatigué que
Lacuzon. Les Suédois et les Gris le regardent avec inquiétude. Sa poitrine est
haletante et le sang lui monte au visage. Lacuzon comprend que le moment où il
peut prendre définitivement le dessus sur le méchant, est proche. Il veut
profiter du moment où Lespinassou trop
fatigué, relève son épée plus lentement pour en finir avec lui. Mais il fait
une erreur en sous-estimant la force de l'épée de son adversaire. Lespinassou
brise l'épée de Lacuzon en deux, Les Suédois et les Gris poussent un cri
triomphal. |
Lespinassou laisse tomber l'épée de ses
mains à cause de cette attaque
inattendue. Il comprend maintenant, cependant, qu'il ne peut gagner cette
bataille pour sa survie que par la force brute. Et sa force est énorme ! |
|
|
Est-ce que
Lespinassou gagnerara ? |
84. Lacuzon, qui sent qu'il ne résistera plus
très longtemps à son puissant adversaire, rassemble ses dernières forces et
avec ses muscles tendus à l'extrême, il parvient à s'éloigner de Lespinassou.
Le combat, cependant, est loin d'être gagné, chacun pouvait reprendre le
dessus sur l'autre à tout moment et il semble que les deux combattants ne
veulent rien lâcher. Puis Lespinassou parvient à échapper de l'emprise de
Lacuzon. |
Varroz dix fois repoussé déjà, continue le
combat et pousse le cri de guerre des partisans : "Lacuzon ! Lacuzon !" |
|
85. Mais au moment où le poignard du
géant Lespinassou allait retomber dans la gorge du capitaine, un nouveau venu
fit son apparition sur la place Louis XI. Il taillait son chemin à coups
d'épée à travers les rangs Suédois. |
"Merci, frère !" lui dit-il
simplement en se relevant d'un seul bond. |
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86. Il ne restait sur la place Louis XI
que quelques personnes: le curé Marquis et quatre hommes, à qui il donne
l'ordre de transporter le corps de Pierre Prost dans la cathédrale. |
Les gens constatent à leur plus grande
joie la direction prise par les événements. Ils trouvent parmi les monceaux
de cadavres jonchant le sol, le corps du hideux Lespinassou et le ramassent. |
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87. Après la victoire sur la place Louis
XI, les montagnards se lancent à la poursuite des Suédois sous les ordres de
Lacuzon et de Varroz. Les Suédois en fuite détalent pour sauver leur vie,
tout en jetant leurs armes qui les gênent car devenues inutiles. Les hommes
qui ont semé la terreur pendant des années à Saint-Claude fuient maintenant devant
les habitants de ce village. |
La panique surgit : |
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88. Lacuzon et Varroz ne doivent pas
montrer leur découragement et leur désespoir devant l'horrible spectacle
qu'offre la ville en feu, car même maintenant, les gens vont compter sur eux. une torche !" |
Le même drame se déroule partout autour
d'eux. Presque toutes les maisons sont en feu : dans quelques minutes la
ville ne sera plus qu'un champ de ruines. Les habitants courent partout, affolés
et sans but précis parce que nulle part, ils ne peuvent se protéger du feu. |
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89. Soudain, la porte s'ouvre. Une
chaleur horrible les suffoque et l'éclat des flammes les éblouit. |
Au moment où les hommes sont obligés d'arrêter
Raoul, qui veut s'élancer vers la cave et mourir avec Églantine, il court à
la fontaine, avec son large manteau sur son bras. |
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90. Lacuzon s'enveloppe dans le manteau
d'où l'eau ruisselle. Il protège sa tête aussi bien que possible. Il prend
sous son bras un second manteau qu'il a également trempé dans la fontaine, Il
se précipite vers la maison. Maintenant on n'entend plus que le ronflement du
brasier et la chute des morceaux de bois. La voix d'Églantine reste silencieuse. |
instant par les flammes et il est tellement
gêné par la fumée qu'il ne peut pas retrouver tout de suite, l'escalier qui
mène à la cave. Derrière lui, il entend la voix de Raoul lui indiquer la
direction. Puis il soulève la trappe de la cave, en haut des escaliers. |
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|
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91. Sans perdre un instant, Lacuzon roule
Églantine dans le manteau humide. Il la prend dans ses bras et la porte sur
les marches de la cave. Puis il se lance à nouveau dans la fournaise dans
laquelle la maison est plongée. Tout autour de lui, les flammes et le feu
sifflent autour des manteaux mouillés. L'eau des manteaux va bientôt
s'évaporer à cette température. Lacuzon doit quitter la maison le plus vite
possible ! |
Dans un fracas de tonnerre, la charpente
et les murs s'écroulent une seconde
après, juste dans le dos de Lacuzon. brûlé ! Elle respire doucement. Raoul et
Lacuzon regardent son visage pâle avec émotion. Raoul doit aller à la
fontaine, chercher de l'eau pour Églantine mais juste au moment où il part,
un partisan Comtois arrive en courant. Il a l'air horrifié. |
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|
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92. L'homme toujours aussi haletant
devant Lacuzon, s'écrie: "Capitaine ! Les Suédois et les Gris se sont de
nouveau ralliés ! Ils marchent sur la
ville ! Le colonel Varroz vous attend !" |
Portant sa fiancée, il commence à marcher
dans la direction que lui a indiquée Lacuzon. Il voit déjà la Bienne en face
de lui, avec derrière, la forêt qui lui offrira une cachette sûre, jusqu'à ce
que ses amis reviennent. Raoul voit devant lui, une cabane isolée. Elle a
l'air déserte et n'avait pas été brûlée. Apparemment, les Suédois avaient
jugé qu'elles ne valaient même pas la torche pour l'allumer ! Mais soudain,
la porte de la hutte s'ouvre et deux hommes en sortent. Ils se campent au
milieu du chemin et barrent le passage à Raoul. Raoul reconnaît à l'instant
même ces deux hommes: ce sont les compagnons du Gris qu'il a tué, une heure
auparavant. |
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93. Les deux Gris se
rapprochent. Raoul porte toujours son précieux fardeau. Églantine n'avait pas
encore repris connaissance et les bandits ne peuvent pas voir son visage. |
"En vérité, mon noble seigneur? Et
si nous ne voulons pas ? " "Tant pis pour vous. Dans ce cas, recommandez
votre âme à Dieu car vous allez mourir !" |
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94. Raoul parvient à repousser ses
adversaires pendant plusieurs minutes. Il ne peut pas utiliser toute sa force
parce qu'il porte Églantine, toujours inconsciente sur son bras gauche.
Raoul, cependant, complètement pris dans le combat, ne remarque pas que le
deuxième Gris, juste derrière lui, lève son épée pour lui donner un coup
terrible. |
"Je pense que
le coup était bien frappé!", S'exclame-t-il. mort ? " |
||
|
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||
(*) Cuanais : abréviation du mot Séquanais, ce surnom
était donné aux partisans Franc-Comtois à cette époque. Les Séquanes, Séquanais
ou Séquaniens, en latin Sequani étaient un peuple gaulois établi à l'est de la
Gaule, sur le versant ouest du Jura. Sequana est le nom latin de La Seine.
|
95. Jusqu'à présent, les deux hommes étaient
d'accord: il est bon qu'ils aient ôté de leur chemin, ce jeune coq
prétentieux et il vaut mieux qu'ils détiennent maintenant la cousine de leur ennemi
comme otage. Mais maintenant survient une grande difficulté : à qui
appartient-elle, cette cousine ? L'un dit qu'il en est le propriétaire
légitime, parce que c'est lui qui a osé attaquer en premier le jeune homme.
Limassou est quant à lui convaincu du
contraire: c'est lui qui a donné la victoire finale ! Si tu refuses de me la donner, je vais la
prendre !" Crie Limassou en tirant son épée. |
"Quand tu voudras !" défie
l'autre. ça ? "Je ris parce que nous sommes
vraiment trop bêtes ! Nous allions nous entretuer alors qu'il est beaucoup
plus facile de nous asseoir dans la cabane et de jouer aux dés là-bas." |
|
|
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96. Un des hommes prend Églantine dans ses bras et la
porte à la hutte. Ils sont fermement convaincus que Raoul est mort et ils le
laissent tranquille, étendu sur la route. Ils entrent dans la cabane, dont
l'unique pièce abrite quelques meubles : une table en bois, deux tabourets et
un vieux lit. La jeune fille est toujours sans connaissance et elle n'a
aucune idée du grand danger qu'elle court. |
"Quatre et quatre. À ton tour !" "Tu voulais faire du mal à cette
fille, la cousine de Lacuzon, alors que nous pouvons gagner une fortune en
prenant bien soin d'elle et en la livrant au Masque noir !" |
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97. Avant de quitter la cabane,
Francatripa fouille les poches de Limassou. Il trouve des pièces de monnaie et
les range soigneusement dans sa propre bourse. |
Il la charge sur ses épaules et se met en
chemin, laissant l'autre homme étendu sur le chemin sans l'ombre d'un regard.
Il continue avec sa lourde charge qu'il veut échanger aussi vite que possible
contre des pièces d'or. |
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98. Raoul entrouvre les yeux sous la
sensation d'un froid glacial. Il voit le visage inquiet d'une vieille femme
qui se penche sur lui. C'est la vieille Magui qui peut maintenant rendre à
Raoul le service qu'il lui avait rendue. Elle baigne ses tempes avec de l'eau
glacée et lave sa blessure qui est d'ailleurs moins profonde que ce à quoi l'on aurait pu s'attendre. |
"Lacuzon et, oh ... Qu'est-il arrivé
à Églantine ?" |
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99. Raoul ressent que Magui en sait bien plus
qu'elle ne veut en dire sur l'homme mystérieux qui se cache derrière un masque
noir. |
"Quand l'avez-vous rencontré ?" "Quand nous nous sommes séparés, il
y a tout au plus une heure !" |
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100. La route menant à la grotte est très
longue. Pendant qu'ils marchent, Magui commence à parler de la famille de
Champ d'Hivers. "Vous semblez parler avec émotion et attachement de
cette famille", dit Raoul. " C'est cependant, une famille éteinte
et je crois que son nom a été à peu près oublié dans cette région." |
Mais Raoul est
pressé : il veut rejoindre Lacuzon dès que possible. |
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101. D'un pas rapide, Magui, la prétendue
"sorcière", se rend au village de Saint-Laurent. De temps en temps,
elle se retourne pour voir si Raoul ne la suit pas pour la rejoindre malgré
la promesse qu'il lui a faite. Elle ne veut pas que les paysans voient le
jeune homme en compagnie d'une mendiante. Raoul voit la vieille femme s'éloigner
rapidement et il se sent ému par le dévouement et l'amour qu'elle lui montre.
Il pense à la suivre mais s'interdisant de vouloir l'humilier, il se souvient
de sa promesse et décide de rester là où il est. |
Magui est aimablement reçue dans le
village et il ne lui faut pas longtemps pour récolter assez de nourriture
pour elle et son compagnon. Les Franc-comtois ont été bons pour nous !" |
|
102. Raoul et Magui sont de retour. |
Quand ils arrivent sur un rocher
surplombant le panorama, Raoul s'arrête soudainement. "Que faites-vous, Messire ?"
demande Magui avec étonnement. |
(*) Le trou des Gangônes : Xavier de
Montépin explique qu'en patois franc-comtois, les cloches s'appellent des
gangônes et sans doute ce nom cherche à imiter le bruit qu'elles font. Quand on
applique son oreille contre le rocher, on entendrait distinctement le son des
cloches (Chapitre II : Le fantôme) - De nos jours, il existe un gouffre qui
porte le nom de "Trou des Gangônes" mais il est situé non pas sur les
bords du Hérisson mais sur la commune de La Frasnée près de Clairvaux-les-Lacs.
C'est une sorte de cheminée naturelle qui sert de trop-plein à la source du Drouvenant. La grotte connue de
nos jours sous le nom de grotte Lacuzon au bord du Hérisson, s'appelait
autrefois le Grand cellier (ce qui signifie la grande cave). C'est un vaste porche (15 x 8 m) long de 35 m, prolongé par un boyau inondé, déjà
exploré par le spéléos sur 15 m. Cette cavité avait servi de dépôt de
marchandises aux moines Chartreux de Bonlieu, en 1639. (source Jean-Claude
Frachon (
). C'est cette grotte que Xavier de Montépin surnomme le trou des Gangônes.
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|
|
103. Le terrain devient une plaine. Il y
a moins d'arbres et plus de prairies. Raoul et Magui vont marcher un peu plus
lentement. Ils regardent le château de l'Aigle, le château d'Antide de
Montaigu qui se dresse sur un pic et qui est visible de très loin. Raoul
regarde longuement le château. C'est un regard plein de haine et de colère.
"Toute la misère vient de là", murmura Raoul intérieurement. |
"C'est une illusion, Messire !" "Alors, c'est quelque drapeau dont
les plis flottaient au vent". |
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104. À peine Magui était-elle entrée dans
la faille du rocher qu'une voix venant d'en haut, s'exclama impérieusement:
"Qui va là ?" Raoul lève les
yeux. Il voit un montagnard, le pistolet à la main. "Où allez vous ? " "Je veux rejoindre le capitaine qui m'attend." |
C'était la première
fois que Raoul voyait un montagnard revêtu de l'uniforme des corps francs. |
|
|
105. Raoul et Magui continuent leur
voyage jusqu'à au trou des Gangônes. La route qui a d'abord traversé des
gorges très périlleuses, continue le long d'un torrent sauvage. L'eau ne
murmure plus, elle rugit. Enfin les deux voyageurs arrivent à l'endroit où
ils doivent traverser la rivière. Ils sont fatigués et ont faim et soif à
cause du long voyage. |
"Qui va là ?" "Saint-Claude
et Lacuzon !", répond Raoul. Raoul et Magui traversent le pont
improvisé et Raoul sent le tronc d'arbre vaciller à chacun de ses pas.
Pendant un moment, il ressent de la frayeur en voyant l'eau qui bouillonne
au-dessous de lui. Il voit, cependant, que Magui passe avec confiance, tout
droit et sans hésiter sur le pont et qu'elle a confiance en elle: elle
connaît bien ces régions montagneuses et sauvages. |
|
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106. Quand ils ont traversé la rivière et
salué les deux montagnards qui veillent sur le pont, Magui et Raoul
continuent. Le paysage devient de plus en plus sauvage. Des rochers massifs
se dressent des deux côtés du sentier, de gigantesques arbres séculaires dominent
les deux voyageurs. Raoul se sent oppressé. Il a l'impression que quelque
chose pourrait arriver à tout moment qui empêcherait sa rencontre avec Lacuzon,
pourtant si proche. Ce n'est que lorsque Raoul et Magui entrent dans une
petite forêt qu'il commence à se sentir libre. Il respire profondément l'air.
A peine sont-ils entrés dans la forêt, que trois hommes viennent à eux. |
"Comme vous avez tardé et avec
quelle impatience, Lacuzon vous attend !" |
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107 Le mot caverne est en réalité
beaucoup trop modeste pour décrire la grande grotte que Raoul et Magui
atteignent finalement. Mais les habitants de la montagne sont fiers de leur caverne.
Autour d'un feu de bois au-dessus duquel une marmite est suspendue, les
fidèles montagnards s'assoient pour commenter les événements de la journée.
Certains sont simplement assis par terre, d'autres sur une souche d'arbre. |
Ils arrivent à un escalier creusé dans le
roc. Cet escalier semble
conduire à une seconde caverne qui, en quelque sorte, forme un deuxième étage
au-dessus de la première salle de la grotte. laissée ?" demande-t-il à Raoul. |
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108. Qui est cette personne qui sait où Églantine
est cachée? », Demande le curé. en elle ?" |
Il semble que cette mesure n'est pas très
appréciée du curé. Tandis que Garbas reparaît avec Magui, Lacuzon explique à
Raoul qu'il avait laissé sur place un montagnard,
à l'endroit du rendez-vous avec Églantine et Raoul;
cependant, celui-ci ayant choisi une route différente, le soldat doit encore
les attendre là-bas. |
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109. Lacuzon donne la parole au
curé Marquis pour questionner Magui. |
"Je vous le jure sur le salut de mon âme !’’ Et
elle rajoute : "Et vous vous engagerez aussi à punir le traître comme
il se doit ! " "Quel qu'il soit, nous le punirons !",
s'exclament simultanément Lacuzon, Raoul, Varroz et le curé Marquis. |
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110. Si toute la caverne s'était brusquement effondrée
au-dessus de leurs têtes, la stupeur et la confusion que les paroles de Magui
avaient provoquées n'eussent pas été plus grandes. Les trois chefs se
regardent sans voix. Seul Raoul ne montre aucune surprise. "Mais Antide de Montaigu est l'un de nos plus
fidèles alliés !", s'exclame Lacuzon. Magui regarde fermement Lacuzon : "Un allié loyal, lui, l'homme au masque noir !"
S'exclame-t-elle. "Ce que j'ai dit est vrai !" |
"Hé bien oui, Mordieu ! Chaque fois que je me
trouve en sa présence, une voix
intérieure me dit : Voilà le ravisseur de Blanche, l'assassin de Tristan de
Champ d'Hivers ! J'ai essayé de lutter contre cette idée mais je me suis
toujours senti convaincu. Je me suis souvent dit comme vous : peut être c'est
un allié fidèle, mais ... aujourd'hui je ne veux plus douter ! Je vois la
vérité. Antide de Montaigu est un ravisseur, un incendiaire, un assassin et
un traître. Il a non seulement tué Tristan le Champ d'Hivers, mais aussi
Pierre Prost ! Mais enfin quand, cette série de crimes prendra-t-elle fin ?" Puis il retrouve son sang-froid. Il se
tourne vers Lacuzon et dit: |
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111. La proposition de Lacuzon n'est pas accueillie
avec beaucoup d'enthousiasme par ses amis. "Je parlerai à Antide de
Montaigu et lui dirai, les yeux dans les yeux, quels sont les soupçons que
nous avons contre lui. Je saurai lire la vérité dans ses yeux et dans le ton
de sa voix ", dit le capitaine. |
"Comment aurais-je pu vous prévenir ? Un de vos montagnards
m'aurait probablement tiré une balle dans
la poitrine parce que je ne connaissais pas le mot de passe ! Il a fallu
vraiment des circonstances imprévues pour que je me retrouve ici avec vous
!" Puis Magui se tut. |
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112. Lacuzon comprend immédiatement qu'une action
violente contre le château de l'Aigle ne serait pas un bon moyen de libérer Églantine. gardé ? "interrompit
le curé Marquis. |
Menétrux-en-Joux, lui aussi doit aller payer ses
redevances aujourd'hui. " |
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113. Au moment où Lacuzon va quitter ses
amis, Magui l'arrête. "Capitaine, vous avez oublié quelque chose !" |
"Merci !", dit simplement
Lacuzon. |
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114. Il est trois heures de l'après-midi.
Les paysans de la région viennent payer leurs impôts au seigneur Antide de
Montaigu. Certains portent les sacs de blé sur leur dos, mais les plus riches
viennent avec des charrettes qui ont
de grandes difficultés à grimper les
rudes chemins pentus de la montagne. C'est une longue file de chariots. Au
château se tiennent des soldats qui veillent à l'ordre dans les entrées et
sorties. Un majordome inspecte soigneusement tout ce qui est apporté. Un
groupe de paysans qui attendent d'être contrôlés, entame une conversation
étrange. |
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115. Le paiement se fait rarement sans
incident. Pas même aujourd'hui. Certains paysans ne peuvent pas payer les
impôts requis et le majordome reste insensible aux plaintes des hommes et aux
larmes des femmes. Il ne lâche pas un sou ! Certains paysans qui savent que
la supplication ne sert à rien, expriment de terribles menaces à Antide de
Montaigu, mais tout cela en vain. Au bas d'un escalier, Antide surveille ses
subordonnés. Les gens le saluent. Ils le respectent, malgré tout, parce qu'il
est l'un des combattants de la cause franc-comtoise, mais ils le détestent
pour les redevances trop lourdes qu'il ose demander. Ils savent que ce qu'ils
apportent est en partie pour les soldats de Lacuzon, pourtant, c'était
toujours avec indignation que les paysans entendaient associer le nom
d'Antide de Montaigu et de Lacuzon, Varroz ou Marquis, qu'ils vénèrent et
honorent profondément. Quand presque tous les paysans sont passés, Antide de
Montaigu se tourne vers le majordome. |
"Comment ça s'est passé ?"
Demande-t-il. |
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116. Le valet exécute promptement les
ordres de son maître, ouvre les portes et fait conduire le chariot dans la
cour d'honneur. Mais s'écria Antide de Montaigu :" Ce n'est pas le vieux
Garbas, le fermier qui est assis là ! C'est Garbas, le trompette de
Lacuzon…!" "En effet, Monseigneur", répond
le paysan. C'est le fils au lieu du père, qui vous apporte les redevances à
sa place". "Est-ce qu'il est au trou des Gangônes
en ce moment ?" |
"Non, Monseigneur, il est parti ce matin !" "Est-ce que vous nous permettez de dérange de faire décharger la voiture maintenant ?" "Il est grand temps de lever le pont-levis et de fermer les portes. Demain, vous pèserez tout ça !" |
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117. Avant de fermer
les portes, le majordome demande à Antide de Montaigu: "Que faut-il
faire de la voiture de Garbas ?" |
"Et quand tu reverras le capitaine
Lacuzon, le colonel Varroz et le curé Marquis, dis-leur bien que mes
sentiments pour eux n'ont pas changé et ne changeront jamais." "Maintenant
tu peux y aller, mon ami !" |
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118. Jetons un coup d'œil à l'intérieur
du château de l'Aigle. Nous sommes dans un immense salon qui est situé à côté
de la salle des gardes. Antide de Montaigu est assis sur un grand fauteuil;
les armoiries de sa famille orne le
haut du dossier. Antide de Montaigu a environ cinquante ans. Il est grand et
fort. Son visage est beau mais il inspire à première vue, un sentiment de
répulsion et presque d'effroi tant il reflète la cruauté et l'absence de
cœur. |
Les flammes dans le foyer accentuent les
lignes anguleuses de son visage qui parait donc plus cruel que jamais. Des
pas résonnent dans le couloir. Après quelques minutes, le valet entre avec la
prisonnière, qui, comme les lecteurs peuvent le soupçonner, n'est autre
qu'Églantine. écoutez-moi !" |
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119. Églantine est silencieuse et Antide
de Montaigu profite de l'occasion pour regarder la jeune la fille.
Involontairement, il tombe sous le charme de sa beauté si éblouissante : Il ne put s'empêcher
d'avoir un instant d'admiration pour elle. "Vous donneriez sans doute
cher pour sortir de ce château ?" Demande-t-il. |
"Si je vous
donne la liberté à condition de ne dire à personne dans quel lieu vous avez
été amené et ..." ce secret ?" liberté ! " |
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120. Antide de Montaigu retombe sur son
fauteuil, il tient sa tête entre ses mains. Des sentiments contradictoires se
lisent sur son visage. |
"Eh bien soit !", dit Églantine,
qui ne se soucie guère de savoir si elle sera la prisonnière de Guébriant ou
d'Antide de Montaigu. transférer " |
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121. Antide de Montaigu s'approche d'un
tableau, un portrait en pied du baron de Vaudrey. Il appuie sur un bouton qui
est caché parmi les ornements sculptés du cadre. Un petit craquement sec
s'entend derrière le tableau. Églantine attend
anxieusement ce qui va se passer. |
De cette façon, les alliés du seigneur de
l'Aigle qui sont hélas, également les ennemis des partisans de la
Franche-Comté, pouvaient entrer dans le château. |
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122. Au lieu du capitaine Brunet, le
terrible compagnon d'armes de Lespinassou, Antide de Montaigu voit avec
étonnement une vieille femme sortir de la pénombre. Elle a l'air pauvre et
est misérablement vêtue. Églantine poussa un cri. Le seigneur du château de
L'Aigle fit un pas en arrière. longtemps !" |
"Qui vous a parlé de l'existence de
ce passage secret ?" Qui a ouvert la porte pour vous ? " |
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123. Comment la vieille Magui a-t-elle pu
obtenir la clé qui donnait accès au château et que le seigneur du château de
l'Aigle avait remise personnellement au capitaine Brunet ? C'était très
simple. Magui parle de sa visite au trou des Gangônes et comment elle a
réussi à échapper à ses gardes. Dans la forêt, Magui a été témoin d'une bataille
: Quatre montagnards se sont battus en infériorité numérique, contre vingt
Gris. Trois montagnards ont été tués. Le quatrième qui a été blessé a été
emmené en tant que prisonnier. |
Il lui a également demandé de transmettre
un message important. |
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124. Quand elle eût fini son histoire, Magui dit:
"Maintenant que je suis là, Monseigneur, je suis entièrement à votre
disposition. J'attends seulement vos ordres. J'espère gagner votre protection
après tout ça." Elle ressent que Magui n'est pas hostile envers elle.
Brusquement, elle demande maintenant : "Eh bien, me voilà prête à partir
ce soir !" |
J'obéirai fidèlement à ma mission mais vous n'aurez pas
à vous plaindre de moi. Je vous assure que je ne vous ferai aucun mal." "Vous ne partirez pas ce soir ", dit tout à
coup Antide de Montaigu. "Je ne vous confierai pas à cette femme même si
j'ai entièrement confiance en elle, vous pourriez lui échapper trop
facilement. Donc vous devrez rester au château jusqu'à demain soir. " |
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125. Dans la cour intérieure du château,
il règne un profond silence. Les valets ont quitté la place les uns après les
autres. Quelques heures ont passé depuis que Garbas a quitté le château en
chantant, laissant derrière lui la voiture de foin. Depuis, aucun son ne s'est
fait entendre. |
Pendant un moment, le foin demeura à
nouveau complètement immobile. L'homme regarde autour de lui. Puis il sort tout entier
du foin et quelques instants plus tard, il se glisse jusqu'au sol. En effet,
c'est bien Lacuzon, celui qui a conçu
ce plan fantastique pour délivrer Églantine de
sa prison. Lacuzon demeure immobile,
quelques secondes. Il regarde attentivement vers le château. Dans les
ténèbres, quelque chose scintille sur les vêtements sombres du capitaine :
c'est l'églantine en diamants du médaillon que Pierre Prost lui a donné et
qu'il porte à son cou depuis. Deux pistolets sont glissés dans sa ceinture.
Il reste immobile pendant quelques minutes, scrutant chaque bruit. |
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126. Lacuzon connaît bien ces lieux. Il venait souvent
ici pour parler avec le "fidèle allié" : Antide de Montaigu qui leur
donnait toujours de précieuses instructions. Lentement, il descend de la charrette.
Il voit la lumière derrière les deux fenêtres du salon. Il hésite un instant.
Mais il pense soudain au garde qui risque de passer là et traverse rapidement
la cour. Il soupçonne l'endroit où Églantine
pourrait être retenue et c'est pourquoi il se dirige vers une petite porte
avec détermination. |
Il sort son poignard et le glisse entre deux planches. Il
commence à attaquer le bois. Un petit craquement retentit. Tout va bien
jusqu'à présent. Mais alors les difficultés surviennent. La lame du couteau
de Lacuzon bute sur une surface dure comme si la porte était recouverte de fer
à l'intérieur. Il comprend qu'il doit abandonner dès maintenant toute
nouvelle tentative pour ouvrir cette porte. rien ? Il reste immobile et lève les yeux, mais en vain. |
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127. Cependant, Lacuzon n'abandonne pas encore. Il
poursuit son exploration des lieux et murmure: "Serait-ce pour rien que
je connais le nom du traître qui nuit tant à mon pays? Vais-je jamais
pouvoir le prouver ? Et Églantine, la
reverrais-je jamais? Je voudrais la délivrer même au prix de ma vie !" |
"Ah ! Je suis donc fou que j'aie
oublié ça ! "S'écrie-t-il. |
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128. Lacuzon écoute attentivement,
personne ne vient. Il pousse la porte ouverte. Les gonds rouillés grincent
avec un bruit horrible. Encore une fois Lacuzon écoute attentivement, mais
une fois de plus, il n'y a pas âme qui vive, rien ne bouge. Puis Lacuzon
s'engage sur la terrasse avec une lenteur prudente. Il se tient maintenant
entre le logis seigneurial et le bâtiment des femmes. |
" C'est là qu'Églantine attend son
libérateur", pense Lacuzon. Rempli d'espérance, il marche vers la porte
principale. Il pousse la porte et à sa grande
surprise, constate qu'elle est ouverte. Un escalier se trouve en face. Une
faible lumière brille tout en haut. La porte de la chambre du premier étage,
que Lacuzon a vue de l'extérieur, est entrouverte. |
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129. L'idée que
Magui ait pu le trahir ne vient pas un seul instant à l'esprit de Lacuzon. Il
est possible qu'Églantine se trouve dans une autre pièce. Lacuzon décide de pencher
pour cette hypothèse. |
Au château de l'Aigle, seule Églantine
pouvait avoir une Bible et la lire. Presque en même temps, il voit le large manteau
d'' Églantine sur une chaise. C'est celui qui, humidifié, avait servi à
Lacuzon pour la protéger des flammes et la faire sortir de la cave. C'est
sans doute la chambre d'Églantine. Mais où est donc la jeune la fille ? |
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130. A peine Lacuzon s'est-il caché qu'il
entend la porte en bas de l'escalier, se refermer. Il entend la clé être
tournée et grincer deux fois dans la serrure rouillée. "Je pense que je
suis fait comme un rat !", murmura Lacuzon. Dans l'escalier, il entend
le bruit léger du pas d'une femme. Le cœur du capitaine battait violemment dans
sa poitrine. Églantine entra dans la pièce. Le capitaine est sur le point de
quitter sa cachette. |
Églantine revient de chez Antide de
Montaigu. Elle s'assoit devant la table et prend la Bible entre ses mains. |
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131. Lacuzon attend longtemps puis il pense que le valet
qui a conduit Églantine s'était
suffisamment éloigné, Il sort de derrière le lit et murmure: " Églantine..." |
Elle va à la fenêtre et regarde pensivement dehors.
Elle voit le valet qui l'avait emmené, entrant dans le bâtiment de l'autre
côté de la cour. Puis elle referme soigneusement la fenêtre. |
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132. Lacuzon commence à parler d'abord: "Dis-moi
ce qui s'est passé depuis que tu as été amenée ici ?", demande-t-il
gentiment. |
"Ainsi, c'est donc bien vrai ! Antide de Montaigu
est un traître?" "Un traître bien lâche et bien misérable qui
profite de votre confiance !" |
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133. Églantine explique ensuite à Lacuzon
pourquoi elle se trouve encore au château. "L'homme qu'attendait Antide
de Montaigu a été tué. "C'était un nommé Brunet " " Magui je crois ! " Dit
Églantine "Voici qui est étrange ! " |
Elle n'a cessé de me regarder comme si
elle voulait me rassurer et comme si elle me connaissait déjà. " "Oui, certes Magui te connaît ! C'est elle qui m'a
envoyé ici !" "Quoi !" Appelle Eglantine. |
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134. "Il y a des choses très mystérieuses
ici", dit Églantine. |
Le capitaine est silencieux pendant quelques instants. Puis il dit : "Ah ! Comte de Montaigu, seigneur de
l'Aigle, noble bandit, un jour viendra et ce jour n'est peut-être pas loin où
je reviendrai dans ton château !" |
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135. Après avoir inspecté toutes les pièces qui donnent
sur le couloir et n'ayant rien pu découvrir d'anormal, ils arrivent dans la
dernière pièce. Il y a une porte ouverte qui donne sur un escalier pratiqué
dans la muraille. Lacuzon tire les verrous et la porte s'ouvre sans
difficulté. |
La porte donne en effet accès à la cour. |
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136. Églantine marche derrière Lacuzon dans la cour. À
peine a-t-elle franchi le seuil qu'un violent coup de vent referme la porte
derrière eux. Les deux fugitifs ont peur. Rapidement, il donne quelques consignes à Églantine sur ce qu'elle devra faire dans ce
cas. |
"Si tout se passe bien", conclut-il, "je
vais te faire descendre avec la corde et je te rejoindrai." |
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